lundi 2 septembre 2013

ENA : traquenard ou nécessité ?




ENA, une promo peut en cacher une autre

M le magazine du Monde |



Dans quelques années, cette photo de classe sera sans doute aussi connue que celle de la promotion Voltaire, dont le clan Hollande est issu. Car la cuvée d'énarques 2004 squatte aujourd'hui des dizaines de postes-clés à l'Elysée, à Matignon et dans les ministères
Dans quelques années, cette photo de classe sera sans doute aussi connue que celle de la promotion Voltaire, dont le clan Hollande est issu. Car la cuvée d'énarques 2004 squatte aujourd'hui des dizaines de postes-clés à l'Elysée, à Matignon et dans les ministères.
 

 
Dans quelques années, cette photo de classe sera sans doute aussi connue que celle de la promotion Voltaire, dont le clan Hollande est issu. Car la cuvée d'énarques 2004 squatte aujourd'hui des dizaines de postes-clés à l'Elysée, à Matignon et dans les ministères.| Tourte et Petitin

Comme un air de déjà-vu. Des ambitions présidentielles, des futurs ministres, un couple formé sur les bancs de l'ENA : si la saga de la promotion Voltaire vous a plu, voici leurs héritiers. Nom de code : Léopold Sédar Senghor. Une "cuvée" d'exception sortie de l'institution en 2004, dont dix-sept membres occupent aujourd'hui des postes-clés de la République. Cinq d'entre eux sont directeurs de cabinet, fonction stratégique d'un ministère, quatre sont directeurs adjoints, six sont conseillers, les deux derniers sont à Matignon et à l'Elysée. Autant d'énarques d'une même promotion au service d'un gouvernement : un phénomène peu commun, de l'aveu même de l'association des anciens élèves. Qui rappelle la fameuse promo Voltaire de Hollande, Royal, Sapin et Villepin, sortie en 1980.
Dans cette galerie de têtes bien faites, il y a d'abord le plus médiatique, le séduisant Emmanuel Macron, 35 ans, regard bleu et sourire carnassier, secrétaire général adjoint de l'Elysée. Assistant du philosophe Paul Ricœur puis banquier chez Rothschild, on le surnomme aujourd'hui le Mozart de l'Elysée. Il ne quitte pas d'une semelle le chef de l'Etat. Jacques Attali, premier à le découvrir avant de le présenter à François Hollande, lui prédit un destin présidentiel. Vient ensuite le "mari de", Boris Vallaud, époux de Najat Vallaud-Belkacem rencontrée à Sciences Po, et père de leurs jumeaux. Ce blond au brushing impeccable et au front large, resté directeur général des services du conseil général de Saône-et-Loire quand sa femme secondait Ségolène Royal dans sa course à la présidentielle en 2007, commande le cabinet d'Arnaud Montebourg au redressement productif. L'actuelle ministre des droits des femmes et porte-parole du gouvernement aurait pu elle aussi devenir énarque millésime 2004 si elle n'avait pas échoué au concours d'entrée. A défaut, elle a choisi Etienne Grass comme directeur de cabinet, issu des rangs de la promo Senghor, et ami du couple.
Nicolas Namias, discret fils de Robert, figure de TF1, et frère de Fabien, à la tête d'Europe 1, a poussé la porte de Matignon, au poste de conseiller "financement de l'économie". Ce quadra courtois au sourire charmeur est un énarque à sang-froid. Parmi ses proches amis, on trouve Thomas Andrieu, le "dircab" adjoint à l'Intérieur. L'homme aux faux airs d'Henri Guaino est un personnage-clé de l'entourage de Manuel Valls. A l'ENA il rencontre Marguerite Bérard, qui devient sa femme. Elle, de droite, blonde au regard perçant, fut conseillère à la présidence de la République sous Nicolas Sarkozy puis directrice de cabinet de Xavier Bertrand au ministère du travail. Alternance oblige, elle fait désormais carrière dans le privé, comme directrice adjointe du groupe Banque populaire et Caisse d'Epargne. Autre femme prodige de la promo Senghor, Amélie Verdier. Brillante inspectrice des finances, elle pilote d'une main de fer le cabinet de Bernard Cazeneuve au budget, fonction hautement stratégique. Le plus jeune de la bande, Gaspard Gantzer, 33 ans, né quand la génération Voltaire peuplait les bancs de l'ENA, visage juvénile et cheveux bruns en bataille, est devenu conseiller presse de Laurent Fabius au Quai d'Orsay après avoir débuté sa carrière auprès de Bertrand Delanoë à la Mairie de Paris. L'homme, moins policé que ses camarades, se moque volontiers de l'image terne de l'énarque.

"INCURIE DE LA SCOLARITÉ"
Tous ne sont pas amis. Emmanuel Macron, Gaspard Gantzer, Boris Vallaud et quelques anciens de l'équipe de foot de la promo s'appellent régulièrement, et s'invitent pour les grandes occasions. Nicolas Namias, Thomas Andrieu, Marguerite Bérard-Andrieu constituent un autre groupe qui se retrouve lors de dîners. Il y a dix ans, pourtant, tous formaient une promo particulièrement unie, qui a défié avec une virulence jamais égalée la direction de l'ENA.
Mars 2004, dans l'amphithéâtre Jean-Moulin, vaste salle mal éclairée au sous-sol de l'ENA, rue de l'Université dans le 7e arrondissement de Paris. Trois dirigeants de l'école et trois maîtres de stage siègent derrière un bureau juché sur l'estrade. Les 134 visages de la promotion Léopold Sédar Senghor leur font face. "L'amphi-garnison" est le rituel le plus solennel de l'école. Les énarques frais émoulus viennent énoncer leur choix d'affectation en fonction de leur rang de sortie. Selon la tradition, le premier à se lever est le major de promo. Marguerite Bérard-Andrieu s'avance sous les applaudissements. Avant de parapher son affectation à l'Inspection générale des finances, elle prend place à côté du directeur. Au mépris du protocole, elle lui tend un dossier d'une vingtaine de pages : "Au nom de la promotion, je vous remets ce rapport, signé par tous", glisse-t-elle sobrement. Titré "L'ENA, l'urgence d'une réforme", ce rapport écrit collectivement pointe avec une minutie assassine les défaillances de l'école. Les promotions précédentes avaient publié lettres ouvertes et pétitions pour critiquer la fabrique à hauts fonctionnaires et grands patrons. Mais jamais aucune n'avait été jusqu'à les agiter sous le nez de la direction un jour d'amphi-garnison. Symboliquement, l'acte est très fort. Le rapport cible la "vacuité intellectuelle des enseignements" et l'"incurie de la scolarité". Les élèves dénoncent "un concours d'entrée suivi d'un concours de circonstances", la "valorisation des talents généalogiques", et une "machine à frustration fondée sur la violence symbolique, l'infantilisation et la ritualisation de l'angoisse".
Dans le même mouvement, Pierre Ramain, alors délégué de la promotion, aujourd'hui haut fonctionnaire au ministère du travail, distribue aux membres de la direction le résultat d'une motion de défiance votée à l'unanimité quelques jours auparavant. C'est un camouflet pour la directrice des études : 0 % de confiance. La direction est assommée. "On a juste échangé des regards, se souvient Renaud Dorandeu, alors directeur adjoint des études, mais pour certains ça a été très violent." La cérémonie achevée, le directeur de l'ENA, Antoine Durrleman, aujourd'hui à la Cour des comptes, refuse de serrer la main à ses élèves. Les frondeurs ont ordre de ne pas rendre public le rapport ni de le diffuser à la presse. Faisant fi de la consigne, ils transmettront à quelques journalistes le document censuré des passages les plus virulents ciblant nominativement les membres de la direction. Encore aujourd'hui, c'est cette version caviardée que confie avec hésitation Fabrice Casadebaig, à l'époque responsable de la section CFDT de la promo et aujourd'hui directeur des publics du Musée du quai Branly.
Soixante-quinze d'entre eux signent dans la foulée un recours exigeant l'annulation du classement pour irrégularité des examens. Fait historique là encore, le Conseil d'Etat leur donne raison. Depuis 1945 et la création de cette machine administrative de l'ENA, la promotion Léopold Sédar Senghor est la seule à ne pas avoir inscrit de classement final. L'affaire remonte en haut lieu. Le ministre de la fonction publique Renaud Dutreil adresse à chacun des élèves une lettre et se fend d'un communiqué : le rapport "outrepasse dans sa rédaction le droit d'expression reconnu aux fonctionnaires sur l'organisation interne du service public", menace-t-il, et "porte atteinte aux règles déontologiques fondamentales de la fonction publique". Cet épisode marque l'apothéose d'une année d'agitation commencée dès le week-end d'intégration.

"LE CHOIX DU CONSENSUS"
Hiver 2003. Les 134 élèves font connaissance sur les pentes douces d'une station de ski vosgienne, Ventron. Première prise de contact avec le directeur, Antoine Durrleman, fraîchement nommé. L'occasion d'une première annonce, aux airs de petite révolution : les notes ne seront pas divulguées au cours du cursus, y compris celles de l'admission. Les futurs énarques un brin paranoïaques y voient la volonté de la direction d'arranger dans le secret les notes de quelques-uns, en particulier les fils et filles d'énarques surnommés dans le jargon de l'école "les fils d'archevêques". Les frondeurs entendent s'opposer à la reproduction sociale des élites. Gaspard Gantzer, Pierre Ramain, Fabrice Casadebaig et quelques autres tentent un coup de bluff en annonçant à la direction que la promo refuse de se choisir un nom de baptême. "Le principe était : vous ne donnez pas nos notes, nous ne donnons pas notre nom", sourit Gantzer. Quelques heures de négociations plus tard, la direction plie. Les élèves connaîtront leurs notes. La direction connaîtra le nom de la promotion : Léopold Sédar Senghor. Un homme de gauche. "Le choix du consensus" souligne Nicolas Namias, le conseiller de Jean-Marc Ayrault.
Dans la foulée, à Strasbourg, quelques-uns refont le monde, aidés par le houblon servi à l'Académie de la bière. Une maison rustique aux poutres décorées de fanions à l'effigie des brasseurs locaux, à quelques pas de l'ENA, et dont ils ont fait leur QG. Dans les effluves naît l'idée de la création d'une section PS au sein de l'école. Quarante élèves se présentent à la première réunion, tous venus réfléchir à un monde nouveau. Mais aucun n'accepte de s'encarter. Les partisans de droite n'affichent pas plus leurs convictions au cours de la scolarité. Se marquer politiquement peut fermer des portes. "On était une promotion libre", juge Emmanuel Macron. "Ce qui a été différent chez nous, c'est qu'il y a eu un sens du collectif que l'ENA n'avait jamais connu, explique Pierre Ramain. Pour la première fois chacun ne roulait pas que pour soi." Dans la volonté de ne pas privilégier les "énarques de sang", tous jouent le jeu, à commencer par Marguerite Bérard-Andrieu et son mari Thomas Andrieu, tous deux enfants d'énarques.
"Pourquoi la mayonnaise a pris entre nous à ce point ? s'interroge Gaspard Gantzer. Peut-être parce que nous avons passé les six premiers mois dans un contexte politique et international étonnant." Deux dates les éveillent à la conscience politique et à l'engagement. Les épreuves d'admission se déroulent la semaine du 11 septembre 2001. Leur stage en ambassades et en préfectures coïncide avec le 21 avril 2002. "On a forcément une réflexion sur nos convictions et sur ce que veut dire servir l'Etat quand on est la première promo qui a vu l'extrême droite au second tour", analyse Nicolas Namias, conseiller à Matignon. "Je pense qu'on s'est tous posé la question de rester ou non, ajoute Marguerite Bérard-Andrieu. On ne signe pas pour être haut fonctionnaire dans n'importe quelle circonstance."Mais il n'y a pas eu de grand soir. Le vent de la révolte est retombé au premier poste d'affectation obtenu. Tous sont rentrés dans le rang, traçant avec ambition la carrière dont ils rêvaient. Certains, comme Emmanuel Macron, Nicolas Namias, ont fait un détour par les gros groupes bancaires Rothschild et BPCE. Avant d'intégrer les cabinets ministériels.


Thomas Andrieu, aujourd'hui directeur de cabinet adjoint à l'Intérieur.
La génération Senghor est-elle devenue la protégée de la promo Voltaire ? Les jeunes énarques s'en défendent. Difficile pourtant de croire au hasard de parcours individuels quand ceux qui les ont nommés sont critiqués pour favoriser l'énarchie au pouvoir. Quelques connexions se sont établies, notamment à l'Inspection des finances en 2004 où officiait Jean-Pierre Jouyet, figure de la promo de 1980. Alors chef du service, il reste marqué par ces jeunes tout juste sortis de l'ENA : Macron, Bérard-Andrieu, Verdier ainsi que leur camarade de promo Sébastien Proto, qui deviendra directeur de cabinet de Valérie Pécresse et membre de l'équipe de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012. "Ils étaient particulièrement brillants, avec de fortes personnalités", se souvient l'ami de trente ans de François Hollande, pas surpris de les retrouver aujourd'hui à de tels postes. "C'est la promotion la plus politisée que j'ai connue en trente ans, se souvient l'actuel directeur général de la Caisse des dépôts. Comme pour notre promotion Voltaire, ils sont arrivés à un moment où il y avait une rupture au sein du PS et de l'UMP. Ce sont ces conjonctures qui peuvent déclencher l'engagement politique", analyse-t-il. Et de prédire : "Ils ont un avenir électoral."
La centaine d'autres diplômés de 2004 sont devenus inspecteurs des finances, préfets, maires, et autres carrières auxquelles l'ENA les prédestine naturellement. Aucune brebis ne s'est égarée. "Des rebelles ? Vous plaisantez ! s'étouffe Renaud Dorandeu, leur ancien directeur des études adjoint, aujourd'hui professeur de Sciences politiques à l'université Paris-Dauphine. Ce ne sont pas des enfants de Che Guevara ! Cette promo, ce n'était pas Mai-68 qui bouge encore !" Mais, à coup sûr, la relève politique en marche.

9 commentaires:

  1. Et le temps d'une photo Hollande a besoin d'une guerre pour justifier la faillite économique qui nous attend.

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  2. Vous aimiez lire Hervé Kempf dans "Le Monde".
    http://www.reporterre.net/spip.php?article4586

    Voilà qu'il n'y est plus. Les socialistes ont un problème avec la liberté de la presse.

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  3. Dommage, mais on pourra lire ce remarquable journaliste ailleurs...

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  4. Alors,percheron,genisson,facon,corbisez,Alexandre,toujours prêt à défendre vos 2 complices kucheida et dalongeville.ripoux un jour,ripoux toujours.pourri un jour,pourri toujours.qui se ressemble,s'assemble.

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  5. À la page 15 de la voix des sports du lundi 2 septembre 2013.nous apprenons que ces pseudo-dirigeants du stade heninois démarrent le championnat sans équipes seniors et en déclarant forfait au premier tour de la coupe de France.du jamais vu à henin et peut-être en France.ces bouffons qui sévissent depuis plus de 5 ans dans le club n'ont fait que vomir sur leurs prédécesseurs.incapable de réduire les quelques dettes héritées ,ils n'ont fait que les augmenter en faisant sauver les forces vives du club.joueurs,entraîneurs,bénévoles,éducateurs,parents,etc.le club est passé de 580 membres,à moins de 100. Le FC beaumont et l'olympique heninois sont plus nombreux.ce ne sont pas eux les coupables et les responsables.ce sont les autres les cons.bande de pov´types.

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  6. Une maman doit s'inquiéter de la livraison de son bébé !

    http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2013/09/02/97001-20130902FILWWW00374-une-cigogne-accusee-d-espionnage.php

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    1. Merci, je viens de mettre en ligne l'article de Rue 89...

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  7. Cela fait 3 jours que je ne valide pas des commentaires concernant des Héninois (Policante, Piret et Coget, C. Boutillier en particulier) parce qu'ils relèvent plus de l'anathème que d'argumentaires.
    Pendant la prochaine campagne, je ne publierai pas les attaques personnelles. Par contre, sur les idées et la campagne, elle-même, on écoutera tous les Républicains ou qui se disent tels. Rien n'empêche de critiquer, mais encore faut-il que l'on n'en fasse pas des questions de personnes.

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  8. Sans doute parce qu'une probable candidature de CB dérangerait les listes de EB, GB et PF

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