Le Front national, jusqu’à Florian Philippot, n’a pas tardé à embrayer sur le scandale autour de l’emploi d’assistante parlementaire de la femme de François Fillon. Cette affaire en rappelle pourtant une autre, qui concerne, elle, directement Marine Le Pen. Plusieurs eurodéputés FN, y compris la présidente du parti d’extrême droite, sont soupçonnés d’avoir employé de manière fictive une vingtaine d’assistants parlementaires sur des fonds européens. Une information judiciaire a été ouverte le 15 décembre pour «abus de confiance», «escroquerie en bande organisée», «faux et usage de faux» et «travail dissimulé». Tout commence en mars 2015, après la saisine de l’organisme antifraude de l’UE (Olaf) par le président du Parlement européen, Martin Schulz (aujourd’hui candidat du SPD à la chancellerie allemande). Celui-ci a constaté que figurent dans l’organigramme de la direction nationale du FN des noms d’assistants «accrédités» (censés travailler avant tout au Parlement à Strasbourg et Bruxelles) et «locaux» (rattachés à la circonscription d’élection de leur eurodéputé). Des doubles inscriptions qui peuvent laisser supposer que ces personnes sont affectées à d’autres tâches que le Parlement, tout en étant rémunérées par celui-ci. D’autant plus que parmi elles, certaines ont un contrat de travail qui indique comme adresse d’exécution celle du siège du FN.
Perquisitions.
«On ne peut pas être payé par le Parlement européen et travailler pour un parti», résume à l’époque Schulz pour justifier ses soupçons, par ailleurs notifiés à la ministre de la Justice, Christiane Taubira. Parallèlement à la procédure de l’Olaf, le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire, laquelle concerne d’abord une quarantaine d’assistants parlementaires, avant que ce nombre ne soit ramené à une vingtaine. Des perquisitions sont menées au siège du FN ou encore à la propriété familiale des Le Pen, à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine).

Depuis, l’Olaf a réclamé 320 000 euros au patriarche frontiste, toujours élu européen, somme qui lui aurait été «indûment» versée pour rémunérer son assistant parlementaire, Jean-François Jalkh ( 2009-2014). Le montant exigé monte à 380 000 euros pour Bruno Gollnisch, tandis que Marine Le Pen, elle, doit rendre 339 946 euros. La somme correspond à la rémunération de deux anciens assistants parlementaires qui, au lieu d’exercer à Bruxelles dans le cadre de cette fonction, n’auraient en réalité travaillé que pour le FN dans l’Hexagone. Il s’agit de Catherine Griset, amie intime et ex-belle-soeur de Marine Le Pen, pour des salaires perçus de 2010 à 2016 alors qu’elle exerçait au même moment la fonction de secrétaire en cheffe puis directrice du cabinet de Marine Le Pen au siège du FN ; et Thierry Légier, pour des salaires perçus en 2011 alors qu’il était par ailleurs garde du corps de la présidente frontiste.
Conjoint.
A noter que cette procédure ne concerne pas Louis Aliot, compagnon de Marine Le Pen à la ville, embauché lui aussi en 2011 à un poste similaire par l’eurodéputée - durant une période qui couvre celle pendant laquelle il fut vice-président du FN et son porte-parole aux législatives. Le règlement du Parlement européen, à l’inverse de celui de l’Assemblée française, interdit aux députés d’embaucher un conjoint, que celui-ci soit lié ou non à l’élu par un contrat marital. Pour se rembourser, le Parlement européen a réduit de moitié le salaire de certains parlementaires frontistes, Marine Le Pen comprise.

Le parti aurait régularisé la situation des assistants concernés, dont certains ont quitté leur fonction, l’un d’eux ayant reconnu dans l’Express n’avoir «jamais mis les pieds à Bruxelles». Niant toute irrégularité, le Front s’est défendu en invoquant une cabale menée par Schulz, les «eurocrates» et les «européistes».