samedi 5 septembre 2015

Ce magnifique texte, j'aurais pu l'écrire !


Cela faisait quelques jours que je mûrissais ce qui a été, finalement, écrit, avec beaucoup plus de talent, par Guy Sorman (voir ci-dessous). Vous comprendrez, à la fin du texte, pourquoi je portais cela en moi et que "je me dois" de vous le faire partager. 
Cela dit, je n'ai jamais aimé Guy Sorman, cet essayiste ultra libéral (une de ses œuvres s'intitule : "l'Etat minimal"). Il a encensé la politique de Reagan et il conseille le régime libéral de Corée du Sud, pour vous situer le personnage. Esprit brillant, bardé de diplômes, traduit dans de nombreux pays, il avait disparu de l'actualité politique française jusqu'à ces derniers jours...
On lui pardonnera d'avoir cité la fameuse phrase de Michel Rocard ("La France ne peut accueillir toute la misère du monde...") en parlant de l'Europe et non de la France. Certains lui reprochent déjà, d'avoir tronqué cette déclaration en omettant la seconde partie  ("mais elle doit y prendre toute sa part"), alors qu'elle n'a été ajoutée que plusieurs années plus tard par un Michel Rocard conscient de la dureté de ses premiers propos (on retrouve sur Internet, et notamment dans Libération, l'histoire de cette phrase prononcée en 2 temps...).
Voir mes remarques de fond à la fin de l'article.




LE MONDE |

Il est parfois nécessaire de comparer ce qui n’est pas comparable. Ne serait-ce que pour éveiller les consciences anesthésiées. Entre 1933 et 1940, plusieurs millions de réfugiés échappés d’Allemagne, de Pologne, des pays baltes, fuyant le nazisme, se heurtèrent à des frontières fermées. Ils s’appelaient Nathan, Samuel ou Rachel. Nathan, par exemple, prescient, fuit l’Allemagne dès l’été 1933, cinq mois après la prise de pouvoir d’Adolf Hitler. Il veut partir pour les Etats Unis : refus de visa. Il tente l’Espagne, également refusée. Un peu par hasard, il échoue en France qui ne l’accueille pas mais ne le refoule pas non plus. Ce n’est qu’à partir de 1938 que le gouvernement Daladier, issu de la chambre du Front populaire, livra aux Allemands les juifs qui tentaient de passer en France.
Nathan survécut au régime de Vichy, en rejoignant dans les Pyrénées les rangs – clairsemés – de la Résistance, aux côtés de républicains espagnols, rescapés de la guerre civile. Nathan avait dix frères et sœurs, tous assassinés dans les camps de concentration nazis et sa mère, morte de faim dans le ghetto de Varsovie. Ces six millions de victimes de la Shoah ne suscitèrent pas – en dehors du peuple juif – une grande émotion, jusqu’au procès d’Adolf Eichmann à Jérusalem en 1961.
Auparavant, l’extermination des juifs avait été immergée dans l’inconscient collectif, comme une sorte d’accident collatéral de la guerre mondiale. Franklin Roosevelt et Winston Churchill, informés de leur situation, dès 1933, avaient toujours refusé que ce que l’on n’appelait pas encore la Shoah, ne les détourne de leur stratégie globale, la défaite des nazis et l’alliance avec le régime de Joseph Staline.

Les réfugiés d’aujourd’hui

Venons-en à ce qui n’a aucun rapport avec ce qui précède : la fuite, par millions, des réfugiés de Syrie, d’Irak et d’Erythrée. Sans rapport parce que Latifa, Ali et Ahmed ne sont pas massacrés avec la même efficacité industrielle que le furent Samuel, Nathan et Rachel ? Sans rapport pourquoi ? Devrait-on croire que ceux-là courent le risque de se noyer dans la Méditerranée, de mourir étouffés dans un camion, de crever de soif sur une route grecque, parce qu’Ali, Latifa et Ahmed sont des touristes ou trivialement à la recherche d’un emploi en Angleterre ?
Non, eux aussi fuient l’extermination : ils prennent le risque de mourir noyés parce qu’ils savent que l’alternative c’est d’être gazé, mitraillé, bombardé, affamé. Ce n’est pas la Shoah. Ou n’est-ce pas encore la Shoah ? Comment, d’ici quelques années, nommera-t-on cette marée humaine qui déferle vers l’Europe ? Comment justifiera-t-on dans nos livres d’histoire et nos lamentations officielles cet exode que les Européens, les peuples et leurs gouvernements, tentent de réduire à une « crise » technique qui exigerait seulement quelques ajustements légaux dans la définition du statut de réfugié ?
Si Nathan était encore en vie, je ne doute pas un instant de ce qu’il reconnaîtrait en Ali ou Ahmed, son propre visage, son propre destin, sa propre détresse. Nathan reconnaîtrait tous les arguments qui, en son temps, lui furent opposés à ces mêmes frontières : la situation économique en Europe de l’Ouest ne permettait pas de l’intégrer, l’opinion publique n’était pas favorable aux étrangers, les juifs et autres métèques étaient déjà trop nombreux pour qu’un gouvernement se risque à en accueillir plus. Nathan n’exagérait-il pas la menace qui pesait sur lui et les siens ? Ce M. Hitler finirait bien par devenir raisonnable…

L’Europe, une accumulation métisse

Le dictateur de l’Erythrée, Issayas Afewerki, Bachar Al-Assad, les bandes islamistes qui ravagent tout le Proche-Orient deviendront-ils raisonnables ? Nul, en Occident, n’agit pour qu’ils le deviennent. La seule initiative jamais envisagée, par François Hollande, pour bombarder le quartier général de Bachar Al-Assad fut bloquée – en 2013 – par Barack Obama, ce munichois. Le seul chef de gouvernement occidental qui prend actuellement la mesure réelle du drame et propose des solutions humanitaires à la mesure de ce drame est Angela Merkel. Allemande, elle sait, elle ne se réfugie pas dans des arguties juridiques ou économiques. Elle sait qu’Ahmed, c’est Nathan, soixante-quinze ans plus tard.
Les objections d’apparence rationnelles, on les connaît : ces gens-là qui ne sont pas européens ne sauraient s’assimiler et l’économie ne pourrait pas les absorber. Mais ce qui a l’air vrai est faux. Ces « réfugiés », acceptés en Europe, y apporteraient leur éducation et leur force de travail : pour la plupart ils sont jeunes et entreprenants comme en témoigne leur exil. La migration est une sélection tragique qui privilégie les forts contre les faibles. Les Etats-Unis se sont toujours développés plus vite que l’Europe grâce au dynamisme qu’y apportent les migrants. Tandis que l’Europe décline à mesure qu’elle vieillit.
L’intégration culturelle serait impensable n’est-ce pas ? L’objection paraît subtile mais suppose bizarrement que l’Europe soit culturellement, ethniquement, religieusement un pur joyau sans tache. L’Europe, en vérité, est une accumulation métisse, un creuset de cultures qui toutes ensemble font la civilisation européenne.
Il me revient qu’un ancien premier ministre, Michel Rocard, confronté à une immigration moindre, venue d’Afrique, avait cru régler le problème en déclarant que « l’Europe ne pouvait pas accueillir toute la misère du monde ». On rétorquera qu’à ce jour, la Jordanie, le Liban et la Turquie ont accueilli 3 millions de « réfugiés » et l’Europe… 300 000. Voici pourquoi j’ai honte pour l’Europe, son égoïsme, sa myopie historique et son arrogance de petit-bourgeois satisfait. Voici pourquoi, Ahmed est aujourd’hui mon frère ou Latifa ma sœur.

Car Nathan, voyez-vous, était mon père.


AA : le titre de l'article du Monde était cette dernière phrase ("Car Nathan, voyez-vous, était mon père"). Je pense que c'était une erreur du quotidien de l'avoir utilisé en en-tête car elle dévoilait trop tôt l'effet de surprise voulu par l'auteur. Mais qu'importe ! Nathan, émigré d'Allemagne vers la France en 1933, déporté et revenu d Auschwitz était aussi le nom de... mon père et son histoire ! Ses parents ont été gazés dès leur arrivée au camp d'extermination. 
Depuis que l'on a pris connaissance du sort des exilés syriens, irakiens, érythréens... je revis ce qu'a pu être celui de ces millions de Juifs qui ont quitté l'Allemagne à l'arrivée d' Hitler au pouvoir et de ceux qui ont quitté la Pologne, l'URSS et d'autres pays d'Europe de l'est depuis la fin du XIXème siècle : ils fuyaient les persécutions et eux aussi furent clandestins et eux aussi se virent refuser l'entrée dans les pays qu'ils tentaient d'atteindre... Ces drames à répétition, Guy Sorman a su les traduire dans les mots que vous avez pu lire et je lui en suis reconnaissant, car je les ressens très fort ces derniers jours. Cela ne préjuge pas de ce qui doit être fait pour accueillir nos "Frères humains", comme je le rappelais hier...

13 commentaires:

  1. "Si Nathan était encore en vie, je ne doute pas un instant de ce qu’il reconnaîtrait en Ali ou Ahmed, son propre visage, son propre destin, sa propre détresse. Nathan reconnaîtrait tous les arguments qui, en son temps, lui furent opposés à ces mêmes frontières : la situation économique en Europe de l’Ouest ne permettait pas de l’intégrer, l’opinion publique n’était pas favorable aux étrangers, les juifs et autres métèques étaient déjà trop nombreux pour qu’un gouvernement se risque à en accueillir plus. Nathan n’exagérait-il pas la menace qui pesait sur lui et les siens ? Ce M. Hitler finirait bien par devenir raisonnable…"

    Merci, merci Alain de nous avoir offert ce texte. Je rajouterais: Nathan, Ahmed, Fatima, Idrissa, Fatou, Marcel, Sylvie, Enzo, du même pays... quitte à faire de la peine à Jean Marie.

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  2. Cherchez l'erreur !
    Dixit Marine Le Pen de ce samedi 5 septembre:

    "Donc je pense que les électeurs ne m’en voudront pas d’autant que la braderie de Lille n’est pas un lieu pour faire de la politique. C’est un moment de convivialité, un divertissement et je ne suis pas sûr que la présence de personnalités politiques soit obligatoire dans ce genre d’évènement. En tout cas ce n’est pas manière de faire de la politique"...

    Elle va venir nous faire ch.... le 13 septembre accompagné de son toutou. C'est vrai que toutou ne fait que cette politique...

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  3. La racaille fn...
    "Agression d'un Jeune communiste par le FN : Réaction du MJCF
    le 04 septembre 2015
    extrême-droiteDémocratieCitoyennetéAnti-racisme

    Mercredi soir, à Marseille, un de nos camarades a été lâchement attaqué par 3 jeunes militants du Front national.

    Tasé, aspergé de bombe lacrymogène et frappé, à trois contre un, il n’a rien pu faire.

    Selon nos camarades des Bouches-du-Rhône : « La lâcheté de ce geste démontre le vrai visage du Front National et de ses sbires. L’organisation de leurs universités d’été sert de prétexte à répandre la violence dans les rues de notre ville. »

    En effet, le contexte politique nauséabond le permettant, le Front National se sent pousser des ailes au point de montrer leur vrai visage en pleine rue, bien loin de la « dédiabolisation » vendue par des litres d’encre et de salive dans les différents médias.

    Contrairement à Marine Le Pen qui avance masquée derrière des discours de façade et des faux-comptes sur les réseaux sociaux, les agresseurs de Florian se croient eux tout permis, d’autant que ce n’est pas la première fois que les pouvoirs publics restent sans réponse.

    Il est hors de question de laisser se banaliser la violence de tels actes. Le vrai visage de l’extrême-droite, c’est celui-ci et il se construit des déclarations de Philippot aux coups de Taser de ces brutes."

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  4. Assumons nos valeurs, que les démocrates cessent d'imiter les néo fachos ... ou de les excuser!

    Le Temps
    "D’un point de vue historique, le discours de «l’afflux massif» fait l’impasse sur les nombreux épisodes d’accueil de personnes en fuite ayant jalonné le passé de l’Europe occidentale. Sans remonter jusqu’aux événements de la Deuxième Guerre mondiale et de la guerre froide, il est utile de rappeler qu’en 1992, 670 000 demandes d’asile avaient été déposées dans une UE à 15 membres, contre 620 000 en 2014 dans une UE à 28. A l’époque, un même discours alarmiste avait été diffusé, mais les personnes en fuite avaient malgré tout été accueillies dans différents pays européens, dont la Suisse. Aujourd’hui, la plupart de ces pays reconnaissent les bénéfices économiques, sociaux et culturels que ces migrants ont apportés à leur société, mais ils se montrent incapables d’adopter cette attitude vis-à-vis des flux migratoires contemporains.

    Dans ce contexte, nous assistons à la montée d’un discours assimilant les migrants à une «vague», un «tsunami» ou un «essaim» (selon les termes récents du premier ministre britannique, David Cameron) prêt à «déferler» sur l’Europe. L’usage d’un tel vocabulaire, dicté par une logique de gains électoraux à court terme ou de sensationnalisme médiatique, contribue à déshumaniser les personnes dont il est question. Une fois qu’on les a ainsi réduites à des abstractions menaçantes, il devient alors beaucoup plus aisé d’exiger le renforcement d’une politique répressive qui nie leur besoin de protection. Une telle politique, menée depuis plus de deux décennies par les Etats européens sous les termes de «sécurisation des frontières» ou de «lutte contre l’immigration irrégulière», s’est avérée coûteuse, inefficace, et humainement inacceptable."

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    1. "que les démocrates cessent d'imiter les néo fachos". Dites ça à filipo !

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    2. Rien à voir 9H58-. Remarque débile. Réfléchis un peu et try again.

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    3. Aahahahah ! Toi pu lu déclarations parues dans journal, filipo l' "allusionniste" locale ! Le prestidigitateur des mots ! Le "culturé" du ps ! Réfléchissement 11:16, rfléchissement ! And try again !

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    4. Et toi, a pö du lire "ça" . C'est pas une allusion, ni une illusion...les escrocs pas "culturés". Pas encore au pouvoir mais déjà des chefs en arnaques!

      "Le parquet a pris en juin un réquisitoire supplétif demandant aux juges de mettre en examen le FN pour recel d’abus de biens sociaux mais aussi pour complicité d’escroqueries dans le volet des remboursements de frais de campagne.

      Il demandait aussi la mise en examen pour complicité d’escroquerie du maire d’Hénin-Beaumont, Steeve Briois, secrétaire général du FN au moment des législatives.

      Selon une source proche du dossier, le parquet se fonde sur un courriel de M. Briois à Frédéric Chatillon, dans lequel M.Briois DONNE des instructions ( à Chatillon)..."



      Source : Libération (avec AFP)
      Vendredi 4 septembre 2015

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    5. Pathétique 11:16. Veux donner des leçons de démocratie et sa clique rose fait autant voire pire.

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    6. Range tes tics toi même... 9 septembre.. soupçons de détournement de fonds publics, entre autres. La jeanne, le riwal, briois...Tatatam. En espérant que le T A réagisse aussi aux méfaits de la clique d'extrême droite concernant le journal municipal et la page officielle de la ville.

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  5. filipotvich le glandu sur le podium du départ du semi marathon

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  6. briois, le super glandu, sur le podium de départ de tous les évènements, même ceux qui ne sont pas sportifs! A tous les barbeks, à picoler. Au bureau feignasse, l'été c'est fini!

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