dimanche 2 avril 2017

Qui tue qui ? Sidérant ! (2/2)

Hollande-Macron, récit d’un parricide (suite)
S’il doit beaucoup à François Hollande, le candidat d’En marche ! a capitalisé sur l’impopularité et la fragilité du chef de l’Etat. Une opération menée de main de maître. 
LE MONDE | 31.03.2017 Par Solenn de Royer et Vanessa Schneider

« Un summum dans la duplicité »
La jeune garde du gouvernement, Fleur Pellerin, Matthias Fekl ou Axelle Lemaire, agacés par les tours qu’il essaie de leur jouer, voient clair dans le jeu de leur collègue, qui prend toute la lumière. « Il est sans foi ni loi, assure l’un d’eux. On voyait bien qu’il n’était pas loyal. » Dans l’entourage du président, l’inquiétude grandit, alors que la presse commence à relayer les escapades du ministre à l’étranger pour lever des fonds. Lors d’un dîner à l’Elysée, Julien Dray prévient François Hollande.
L’ami du président a pris Macron sous son aile. Insomniaques, les deux hommes, qui ont sympathisé, aiment dialoguer par SMS au milieu de la nuit. Mais Dray constate que Macron supporte de moins en moins la critique. « Il est en train de t’échapper !, dit-il à Hollande. Comme Ségolène [Royal] en 2006. Mais tu ne veux pas voir… » Michel Sapin y va lui aussi de ses prédictions pessimistes : « Depuis qu’il a fini sa loi, Macron est ailleurs. Sa stratégie est d’une autre nature. » Le chef de l’Etat écoute d’une oreille. « Je sais ce que tu penses, soupire le ministre des finances, que je suis jaloux. Je te dis juste que, pour toi, ça va être un problème… »
Prisonnier de son vieux logiciel politique et de son attachement aux partis, Hollande ne croit pas que Macron puisse réussir son pari. A l’époque, il est surtout obsédé par sa réélection. Tous les samedis matin se tient, dans le plus grand secret, une réunion stratégique à l’Elysée avec sa garde rapprochée, Jean-Pierre Jouyet, Vincent Feltesse et Gaspard Gantzer, et deux communicants amis, Robert Zarader et Philippe Grangeon, devenus depuis conseils du candidat d’En marche !. Le 2 avril 2016, ce cénacle s’ouvre à ceux qui sont alors considérés comme de fidèles piliers de la Hollandie, dont Ségolène Royal et… Emmanuel Macron, pour un premier séminaire de campagne. C’est ce jour-là, entre deux portes, que le ministre de l’économie confie au président, l’air de rien : « Tiens, au fait, je voulais te dire : je fais un truc à Amiens le 6 avril, je lance un mouvement de jeunesse, une sorte de think tank. » « Il a atteint ce jour-là un summum dans la duplicité », se rappelle un ex-conseiller.
Quatre jours plus tard, à Amiens, Emmanuel Macron lance En marche !, dont le point de mire apparaît alors clairement : l’Elysée. Le lendemain, François Hollande masque son inquiétude d’une pirouette : « Il est en marche ? Mais moi je cours, je cours… » Encalminé dans les sondages, le président se trouve au contraire dans une impasse. Plutôt que de l’aider à s’en extirper, le ministre de l’économie a décidé d’accélérer, pour le doubler. « Macron n’a pas choisi le couteau mais le poison lent, résume alors un poids lourd de la majorité. Il est dans une stratégie d’empêchement. »
En effet, les grandes manœuvres sont lancées. Le 13 avril, Paris Match fait sa « une » sur le couple Macron, « ensemble, sur la route du pouvoir ». Le lendemain, à la télévision, Hollande se décide enfin à hausser le ton : « C’est entre nous, non pas simplement une question de hiérarchie – il sait ce qu’il me doit –, mais une question de loyauté personnelle et politique. » Comme Jacques Chirac avec Nicolas Sarkozy (« Je décide, il exécute »), les mots claquent mais restent sans effet. « Je ne suis pas son obligé », répond crânement Macron dans un entretien au Dauphiné libéré, le 22 avril.
Les deux hommes se retrouvent le jour même à l’Elysée, en marge d’une réunion consacrée à EDF. Comme souvent, Macron jure à Hollande que ses propos ont été « sortis de leur contexte ». Le président préfère croire son poulain. « Emmanuel ne partira pas », répète-t-il. Il imagine toujours que, le moment venu, son ministre pourra l’aider à « ratisser » plus large. Il songe même à en faire son directeur de campagne et, pourquoi pas, en cas de victoire, son premier ministre. Mais l’intéressé caresse déjà des projets bien plus ambitieux. « La vie est inventive, il faut lui faire confiance », résume aujourd’hui au Monde celui qui s’est hissé aux premières places dans les sondages.

« Problème Brutus »
Jusqu’au dernier moment, Hollande refuse de voir l’évidence. Devant Gérard Davet et Fabrice Lhomme, il prend systématiquement la défense de son protégé. Confidences édifiantes. « Macron n’est pas quelqu’un qui cherche à se faire une existence politique au détriment du gouvernement, veut-il croire à l’automne 2015. Il peut avoir de la maladresse, mais pas de perversité (…). C’est un garçon gentil. Il n’est pas duplice. » Au début de l’été 2016, alors que les preuves du contraire s’accumulent, même naïveté : « Je pense qu’il est loyal. » « Macron a mieux cerné la psychologie du président que le président a compris la sienne », résume le député PS Richard Ferrand, secrétaire général d’En marche !.
Lui continue d’avancer, capitalisant sur l’impopularité et la fragilité du chef de l’Etat. Son premier meeting, le 12 juillet, à la Mutualité, est un coup de tonnerre. A la fin de son discours survolté fusent des premiers « Macron président ! ». A deux jours de l’intervention du chef de l’Etat pour le 14-Juillet, c’est une provocation insensée. Ce soir-là, les leaders de la majorité, qui dînent à l’Elysée, suivent en direct le meeting sur leurs smartphones. Fou de rage, Manuel Valls, avec le soutien de Stéphane Le Foll, enjoint à François Hollande de sévir : « Ça suffit, il faut le virer ! » Le sujet du maintien ou non de Macron au gouvernement se pose jusqu’au défilé du de la Fête nationale. « A lui de commettre la faute », conclut le président. « Macron sait qu’il a un problème Brutusanalyse Julien Dray. S’il part, ce ne sera plus le gendre idéal. Il préférait se faire virer, pour se libérer. »
Malgré ses doutes, sa décision est prise : il quittera le gouvernement. L’attentat de Nice, au soir du 14-Juillet, lui fait changer son plan. Début août, le ministre et son épouse partent se reposer à Biarritz. Le couple pose sur la plage pour une fausse « paparrazade », maillot de bain à fleurs pour elle, caleçon et polo marine pour lui. Nouvelle « une » de Paris Match, au creux de l’été. Pendant leur séjour, la sénatrice PS des Pyrénées-Atlantiques, Frédérique Espagnac, retrouve Emmanuel et Brigitte pour dîner. Quand elle les quitte, tard dans la soirée, c’est avec la conviction qu’il est prêt à claquer la porte. Elle téléphone aussitôt à Hollande : « Tu as une semaine pour le voir… ! » Le président ignore ce conseil.
De retour à Paris, le ministre invite ses proches à déjeuner à Bercy. Un 24 août, journée caniculaire. Impatients de voir leur poulain se lancer dans la course à l’Elysée, les convives l’incitent à accélérer. « Tes soutiens vont se démotiver. Tu dois clarifier », lance un élu fidèle. « Je ne serai jamais le rabatteur de Hollande », rétorque le ministre. Tout est dit. Mais il veut créer la surprise. Le 29 août, dans le bureau du président, ce dernier lui pose clairement la question : « Tu t’en vas ? » « Je ne sais pas », répond Macron… avant de lui remettre sa démission le lendemain. Le chef de l’Etat est abasourdi : « Mais moi, je ne t’avais pas nommé pour que tu sortes ! Tu t’en vas pour faire quoi ? » L’ancien conseiller lui jure qu’il ne fera « rien » contre lui. « Je suis parti sur un désaccord politique, explique-t-il aujourd’hui. Je n’avais pas la même vision que lui sur la refondation de la vie politique, le PS et les primaires. Ç’a été coûteux pour l’un comme pour l’autre de se séparer. Ce qui s’est passé n’enlève rien à l’amitié que nous nous portons. » Ce 30 août, Hollande est effondré. Revisitant les cinq années qui viennent de s’écouler, il dit le soir même devant ses proches : « Il m’a trahi avec méthode. »
Deux mois et demi plus tard, le 16 novembre, Emmanuel Macron se déclare candidat à l’élection présidentielle. Sans attendre la décision du chef de l’Etat. C’est un choc dans la majorité. « C’est destructeur pour le président », note alors le député PS Christophe Caresche, qui juge le geste « sidérant de la part d’un ex-collaborateur ». Le soir même, sur France 2, Macron assure que sa candidature est « irrévocable », même si Hollande est lui aussi candidat. En vol entre Marrakech et Paris, le président a suivi le JT dans son A330, grâce à la cabine de retransmission. Il va aussitôt, à l’arrière de l’avion, retrouver deux députés fidèles, Sébastien Denaja et Razzy Hammadi, qui l’ont accompagné au Maroc pour le lancement de la COP 22. « Vous avez vu, il a dit que sa candidature était irrévocable ? », leur dit le président, troublé. « Irrévocable, comme ta candidature, François ! », répond Denaja. « Dans son œil, on a vu qu’il se disait non, pas comme moi », se souvient le député de l’Hérault. Ce jour-là, j’ai compris que c’était fini. »

« Pied de nez de l’Histoire »
Quinze jours plus tard, François Hollande annonce, depuis l’Elysée, qu’il renonce à briguer un second mandat. « Macron a été une des causes objectives de l’empêchement, a analysé le président devant ses proches. Il y en a d’autres, notamment la contestation dans mon propre camp et la division de la gauche… » Puis, comme pour l’excuser encore une fois, il ajoute : « Il n’a pas fait cette démarche contre moi. » Le ministre Michel Sapin décrypte : « Ce n’est jamais facile de s’avouer à soi-même qu’on s’est trompé. »
Hollande et Macron ne se sont pas revus depuis, à part au dîner du Conseil représentatif des institutions juives de France, brièvement, le 22 février dernier. Mais ils échangent toujours des SMS. Le président, qui dissèque la stratégie de son ancien protégé, lui conseille notamment de « rester de gauche ». Malin, jamais Macron n’attaque son ancien mentor. « Je fais attention à être respectueux de lui et des institutions », dit-il. Jacques Chirac avait eu le cœur crevé de laisser son bureau à Nicolas Sarkozy. Hollande, lui, jure qu’il préfère voir Emmanuel Macron lui succéder plutôt que François Fillon ou Marine Le Pen. « Si Emmanuel est élu, ce ne serait pas la plus mauvaise sortie pour toi, l’a conforté Julien Dray. Un pied de nez de l’Histoire ! »
Sauf progression spectaculaire du FN, Hollande ne devrait pas soutenir son ancien conseiller avant le premier tour. Il sait aussi qu’un appel de sa part pourrait être contre-productif. « Je ne veux pas prendre une position qui pourrait lui être défavorable, a-t-il récemment confié à des visiteurs. Déjà que Fillon dit qu’il est mon porte-serviettes”… » Emmanuel Macron, lui, avec l’aplomb dont il ne s’est jamais départi, ne doute pas un seul instant que le chef de l’Etat saura l’aider au bon moment : « Il regarde ce qu’il y a autour comme offre, le chemin que je trace n’est pas celui qui le rend le plus triste. » Quand bien même il le serait, François Hollande n’en montrerait rien, comme toujours. « Il le vivra avec humour, anticipe Julien Dray. Il fera une petite blague sur le tapis rouge. Ce sera sa manière de se protéger. »

Fin

14 commentaires:

  1. (il y aurait une menace avec arme". Ben oui, il faut employer le conditionnel ! Et ce n'est pas avec le conditionnel que l'on condamne...)

    Il y aurait des magouilles aux parlement européen quant au financement du fn. Ben oui, il faut employer le conditionnel ! Et ce n'est pas avec le conditionnel que l'on condamne...)

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    1. Il y une enquête au parlement européen et une partie des indemnités de MLP est saisie !
      Il y a aussi une enquête pénale en France sur cette affaire, mais également sur d'autres affaires concernant le FN !

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    2. Ici, dés que vous ne dites qu'au fn il n'y que des fachos, vous êtes condamné. Ici, dés que ous dites que les traitres de l'opposition nullicipale sont coupables d'avoir donné la ville au fn, vous êtes condamné. Ici, dés que vous n'allez pas dans le sens d'une minorité qui s'octroye le droit de dire qui et ce qui est bien ou mal, vous êtes condamné. Sans conditionnel. Et à perpétuité!

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    3. La présomption d'innocence est le principe selon lequel un individu, même suspecté d'avoir commis une infraction, est considéré comme innocent avant d'avoir été jugé coupable par un tribunal.

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    4. Pour 18H39 qui croit encore que le FN est "front haut, mains propres", qu'il relise plus lentement pour bien tout comprendu:

      "Alain Alpern2 avril 2017 à 16:29

      "Il y une enquête au parlement européen et une partie des indemnités de MLP est SAISIE !
      Il y a aussi une enquête pénale en France sur cette affaire, mais également sur d'autres affaires concernant le FN !"

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    5. Il ne s'agit pas de le condamner, c'est à la justice de le faire ou non. Mais même l'Humanité en parle de sa menace avec sa photo d'une carabine ! Bref, ils expliquent l'histoire intégralement, sans faire semblant d'oublier ce petit détail.
      Alain Alpern dans son article faisait comme si, Briois levé de mauvais pied, avait décidé de viré un syndicaliste. Moi j'ai l'impression que le fait qu'il le menace avec une photo de carabine n'y est pas pour rien et apporte un éclairage à cette histoire.
      Dénoncer les méthodes de la mairie FN ne peut se faire que si on occulte pas la vérité. Autrement, les moyens utilisés jettent le doute sur le but visé.

      J'ajoute que ce n'est pas une question de présomption d'innocence; en effet c'est à la justice de juger et de décider. C'est un élément du Droit essentiel, mais ce n'est qu'un élément. Il existe par exemple une détention provisoire que personne ne s'amuserait à remettre en cause par principe. De même ici; étant menacé avec arme, faut-il attendre que le délit soit constitué pour prendre des mesures? Il y a eu un conseil disciplinaire et celui-ci n'a pas attendu la décision de justice pour constater la réalité !

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    6. Je prépare un post plus précis et notamment sur les erreurs dans la procédure utilisée.
      A noter que si " Il y a eu un conseil disciplinaire et celui-ci n'a pas attendu la décision de justice pour constater la réalité !", ce conseil a émis un avis pour porter un blâme et non la révocation. Cela fait quand même une sacrée différence, non ? D'autant plus que la révocation entraîne la suppression de la rémunération...

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    7. Mais précisément, à aucun moment je n'ai soutenu la décision de la mairie. A aucun moment je n'ai soutenu la procédure utilisée non plus ! Je suis bien d'accord : il y a une différence entre le blâme et la révocation.
      Si j'évoquais ce conseil, c'est pour montrer qu'on est pas obligé d'attendre que la justice déclare coupable pour constater les faits; ici la menace avec arme.
      Le seul point essentiel était de dire que cette histoire ne peut être dénoncée en occultant la raison. Que cacher cette menace est douteux. Que cette méthode douteux est étrange.

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  2. Au FN, il n'y a que des fachos ( pas les pauvres manipulés qui votent FN mais les cadres, militants et cartés sont des fachos). Ce ne sont pas les personnes de l'opposition qui ont "donné" la ville à la MAJORITE ULTRA NULLICIPALE et haineuse mais bien les gens qui ont voté pour ça. On réfléchit avant de voter! A Hénin, sous le joug de l'extrême droite, si vous n'allez pas dans le sens de la minorité réactionnaire et raciste qui s'octroie le droit de dire et d'IMPOSER ce qui est bien ou mal ( le bien étant les anti-valeurs), vous êtes condamné, fliqué, maltraité, menacé, renvoyé, révoqué. Vous êtes condamné de manière dictatoriale, sans conditionnel. Mais pas à perpétuité car leur fin est proche.
    18H11 continue à collaborer avec les fachos en tenant son discours vain. S'il n'est pas satisfait qu'il aille donc sur les pages indignes des deux barons extrêmes et nous fiche la paix. Nous, nous lutterons contre le parti infâme. Nul besoin de lui.

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    1. Le troll opposant nullicipal de 6 du mat a encore frappé.

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    2. Le troll facho à 19H24, en route pour le PMU et son demi -litre de gros rouge...

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  3. Ce n'est que le début... tant mieux, tant mieux.

    L'Humanité de ce matin évoque la répression syndicale en mairie d'Hénin-Beaumont avec la révocation de René Gobert en titrant: " Ils n'ont pas honte...Ils virent un délégué syndical par téléphone".

    Ils n'ont pas de valeurs non plus. Premier journal national à réagir. Ce n'est que le début, tant mieux, tant mieux. Que bildou prenne son temesta, son prozac, ses anxiolitiques anti envahisseurs et son doudou! Ici c'est la France, la République. Et Hénin est en France et dans mon pays, on ne fait pas n'importe quoi... Il va l'apprendre à ses dépends, encore une fois.

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  4. il ne faut pas confondre la culpabilité juridique avec la moralité. Exemple: Fillon n'est pas jugé, pas encore. En attendant de l'être il est présumé innocent. OK. Cela fait-il de lui un honnête homme ? Sûrement pas! S'il l'était, il y a belle lurette qu'il aurait apporté les preuves de son innocence sur la place publique.Cet homme est profondément malhonnête et je n'ai pas besoin des tribunaux pour l'affirmer!

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    1. Je pense que même s'il ne pouvait être condamné après jugement , car cela apparaît être difficile , i restera une personne indécente , sans scrupule , peu digne d'être à la tête de notre pays , mais qui se ressemble ... Nos élus fn locaux et la patronne de ce parti valent ils beaucoup mieux ?

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