samedi 24 avril 2010

Le fossé se creuse entre chercheurs et opinion publique


LE MONDE

éalisé en mars, un sondage de l'institut Gallup suggère qu'un fossé toujours plus grand s'installe entre les chercheurs et l'opinion. L'enquête montre que 46 % des Américains attribuent le changement climatique en cours à des cycles naturels. Ils n'étaient que 35 % dans ce cas début 2007. Au Royaume-Uni, les derniers mois ont aussi vu une montée en flèche du climato-scepticisme dans l'opinion britannique.


La France n'est pas en reste : une enquête Ipsos réalisée en janvier montre certes que 84 % des Français estiment réel le réchauffement en cours, mais seuls 40 % y croient "tout à fait" et 18 % estiment que "l'impact des activités humaines sur le climat est justement évalué".Un constat étonnant lorsqu'on sait que non seulement le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC), mais aussi et surtout toutes les grandes académies des sciences et toutes les sociétés savantes compétentes posent le même diagnostic de l'influence de l'homme sur le climat. Et que ce diagnostic est si solide que même les autorités politiques des plus gros exportateurs d'hydrocarbures ne peuvent guère qu'y adhérer...
Pourquoi, sur le changement climatique, y a-t-il un divorce entre les scientifiques et l'opinion ? "Bien sûr, il y a eu ces derniers mois dans le monde entier une campagne de dénigrement, où l'on a véritablement voulu salir la science, répond Eileen Claussen, directrice du Pew Research Center sur le changement climatique. Mais il y a aussi simplement le fait qu'il a fait très froid cet hiver et, qu'en temps de crise économique, les gens se soucient plus de leur boulot que de l'évolution du climat."
Le fossé entre les opinions publiques et les experts n'est toutefois pas une singularité de la question climatique. L'idéologie brouille et modifie considérablement la perception de la réalité scientifique - qui n'est rien de plus qu'un consensus plus ou moins large à un instant donné.
Ainsi, l'idée que la consommation d'organismes génétiquement modifiés (OGM) puisse avoir un impact négatif sur la santé humaine est répandue dans l'opinion. Cette idée correspond à un rejet de l'hégémonie de grandes entreprises étrangères sur le monde agricole, etc. Mais elle demeure scientifiquement infondée : aucune étude toxicologique n'est parvenue à démontrer irrévocablement la toxicité de ces cultures sur les mammifères.

CHARGE IDÉOLOGIQUE
Lorsqu'une bataille idéologique ou économique peut s'incarner dans un affrontement scientifique, la perception de la science par le public se brouille. Car celui-ci ne perçoit pas toujours la réelle nature de la dissidence scientifique. Dans toutes les disciplines, des esprits parfois brillants contestent le consensus avec acharnement, parfois en dépit de toutes les preuves possibles.
Kary Mullis, Prix Nobel de chimie en 1993 pour l'invention de la PCR (réaction en chaîne par polymérase), met par exemple en doute le lien de causalité entre l'infection par le VIH et le sida. Peter Duesberg, professeur de biologie à l'université de Californie à Berkeley, comme un certain nombre d'autres scientifiques, ne professe pas autre chose. Mais leur combat contre le "dogme" du VIH/sida ne correspond à aucun agenda idéologique ou économique. Du coup, l'écho est nul et une bonne part de l'opinion ignore jusqu'à l'existence de ces vues discordantes...
Au contraire, la question du changement climatique porte une charge idéologique et économique très lourde : la moindre opinion scientifique discordante est portée au pinacle. A tort ? Faudrait-il donc renoncer à débattre ? "Non, répond Susan Solomon, ancienne coprésidente du groupe I du GIEC. Mais la question principale n'est pas scientifique. Elle est de savoir quelle quantité de risque nous voulons prendre, sachant que nous ne prendrons pas ce risque pour nous-mêmes mais pour ceux qui viendront après nous."

Stéphane Foucart
Article paru dans l'édition du 20.04.10

1 commentaire:

  1. LE FOSSE SE CREUSE ENTRE LA POPULATION DE HENIN BEAUMONT ET LA MUNICIPALITE.

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