dimanche 13 décembre 2015

Chacun son Donald !


De Lincoln à Donald Trump


En 1860, Abraham Lincoln incarne le Parti républicain américain. En  2015, le rôle est tenu par Donald Trump. Comment dit-on " déchéance " outre-Atlantique ? A un moment, la transmission génético-idéologique a été perturbée.
Premier président républicain dans l'histoire du pays, Lincoln, vainqueur de la guerre de Sécession, abolit l'esclavage et tend la main aux Etats du Sud : il voulait l'unité de la République américaine. Roi de la télé-réalité et de la promotion immobilière de luxe, Trump, candidat à l'investiture républicaine pour le scrutin présidentiel de novembre  2016, est un homme d'exclusion : il rejette une partie de l'Amérique.
Ces deux personnages racontent une histoire, celle de la dégénérescence d'une grande formation politique. Nous avons Marine Le Pen, ils ont Trump. " Le Donald ", comme l'appelle la presse américaine, est le dernier chaînon d'une mutation en forme de décadence. Depuis des semaines, les experts annoncent que Trump va chuter et, d'ici aux premières primaires républicaines, début février, céder la place à l'un ou l'autre des impétrants les plus respectables à l'investiture du parti – les Ted Cruz, Marco Rubio ou Jeb Bush.
On attend toujours. " Le Donald " est comme la poêle Tefal : rien n'accroche, tout glisse, tout passe. Chacune de ses saillies racistes, de ses énormités politiques l'accroche un peu plus haut dans les sondages. On fait valoir que 80  % des électeurs républicains n'ont pas encore choisi. Mais ceux qui s'expriment étaient, fin novembre, 36  % à se prononcer pour Trump, loin devant le numéro deux, le jeune Cruz, ultraréactionnaire sénateur du Texas, coté à 16  %. Trump paraît aussi indéboulonnable que ses tours dans le ciel de la Côte est.
Il exploite la révolte d'une partie de l'électorat blanc, cette fraction de la classe moyenne laminée par la mondialisation. Celle-ci installe un climat d'insécurité économique. Réalité que masquent les bons chiffres de l'emploi et la reprise de la croissance : le revenu médian par foyer américain reste plus bas qu'il n'était avant la crise de 2008.
Boucs émissairesCette Amérique malmenée par la globalisation, l'Etat-providence l'aide moins que les plus pauvres – qui appartiennent souvent aux minorités ethniques. Alors, elle cherche des boucs émissaires – les immigrés. Elle est d'autant plus enragée qu'elle a le sentiment que le pays lui échappe : d'ici à 2050, l'addition des minorités ethniques composera la majorité démographique. L'immigration modifie le paysage, urbain et suburbain. Elle est ressentie comme d'autant plus déstabilisante qu'on n'a pas " voté " sur ce changement majeur – pas plus qu'on n'a " voté " sur la mondialisation. Le plus durement touché, c'est l'homme blanc. Moins il est éduqué, plus il a de chances de voter Trump. Sa colère se nourrit d'une inconsolable nostalgie d'une Amérique mythique, celle des années 1950. Tant pis si elle n'a existé que dans les séries télévisées de l'époque.
Les élites sont prises pour cible. Ce mélange d'arrogance et d'incompétence économique, responsable des ravages de la crise de 2008, n'a toujours pas été pardonné. On incrimine " leur " presse (comprendre les médias traditionnels) et on lui substitue les réseaux sociaux, porteurs de toutes les théories du complot : c'est l'imparable " je l'ai lu sur Internet ".
Le virus Trump est si fort qu'il a contaminé l'ensemble des postulants à l'investiture du parti. Tous sont alignés sur des positions extrémistes qu'auraient reniées la plupart des présidents républicains depuis la guerre – de Dwight Eisenhower à Ronald Reagan compris. Le credo moyen du parti de l'éléphant 2015-2016 compose un programme indigne de la première puissance économique et scientifique du monde. Exemples :
– L'immigration. Trump veut renvoyer chez eux les quelque 11  millions d'immigrés illégaux, pour l'essentiel des Latinos, qu'il a qualifiés de " violeurs " et d'" assassins ". Il veut construire un mur le long des 3 200  km de la frontière mexicaine et le faire payer par Mexico. Peu ou prou, les autres candidats sont d'accord sur le mur et tous, sans exception, ont renoncé à étudier un statut pour les 11  millions d'illégaux. Sujet connexe, monté en pointe après les attentats de Paris et de San Bernardino : l'islam. Personne ne va aussi loin que Trump dans la dénonciation des musulmans, pour lesquels il a, successivement, proposé l'interdiction pure et simple du territoire des Etats-Unis ou une carte d'identité spéciale. Mais tous suggèrent que le pays n'accueille que des réfugiés syriens chrétiens.
– Le climat. Aucun des candidats républicains ne pense que le réchauffement soit causé par les activités de l'homme. Aucun ne veut entendre parler d'une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Tous promettent de s'efforcer de défaire les résultats de la conférence de Paris. Ils vont, bizarrement, à rebours des deux tiers des Américains, convaincus de la nécessité de lutter contre le réchauffement climatique.
A cela s'ajoute l'habituelle bouillie des " marqueurs " du parti : contre l'avortement ; pour les ventes d'armes individuelles ; pour des baisses d'impôts toujours plus fortes que les précédentes ; pour une politique étrangère magique qui rétablisse la grandeur de l'Amérique – ensemble de mesures souvent présentées comme étant d'inspiration divine.
Les républicains restent un grand parti, majoritaire au Congrès, dans les deux chambres, et en nombre de gouverneurs (32 sur 50). Ils bénéficient d'un découpage électoral local qui leur est favorable. Mais leur " trumpisation " les éloigne de la Maison Blanche, inatteignable s'ils ne mordent pas un peu sur l'électorat latino, noir ou asiatique. Il y a quelque chose de suicidaire dans la fascination qu'exerce l'extrémiste Trump sur une partie de l'électorat.
par Alain Frachon
© Le Monde 11/12/2015

5 commentaires:

  1. Ce type est complètement cinglé. Quand je pense qu'un malade de ce genre pourrait devenir président des USA, cela me fait froid dans le dos.

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    1. Ils ont déjà eu un cowboy, plusieurs même, alors un psychopathe.

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    2. Et un joueur de saxo qui se faisait s.... la clarinette.
      En France on est pas mal loti d'ailleurs !

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    3. Jaloux le 10H27 que est sous Viazac... un mélange de viagra et de prozac. Il ne bande plus mais ne s'en souvient pas et avec la dérouillée que le fn a reçu, calme plat, morte plaine!

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    4. Tiens le pharmacien est de retour ,intoxiqué par ses produits !

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