Mon cher Beau,
C'est dans l'ambiance décrite hier que vont se dérouler ces élections municipales dans l'ex bassin-minier. Quelques caractéristiques communes, d'abord :
- la déliquescence du Parti socialiste : après les scandales qu'ont révélés au grand jour les affaires Kucheida et Dalongeville (affaires dont on attend d'autres développements plus graves), de nombreuses dissidences ont éclaté un peu partout, démontrant l'incapacité de l'autorité départementale à faire respecter ses décisions;
- la droite n'existe toujours pas et, à part Arras et Noyelles-Godault, elle est inexistante;
- le Front National palliera aux carences évoquées. Certes, il ne peut l'emporter qu'à Hénin-Beaumont mais il va faire une entrée spectaculaire dans les intercommunalités, notamment dans l'Agglo Hénin-Carvin.
C'est donc à Hénin-Beaumont que le Front National a de fortes chances de gagner. Après la gestion catastrophique de l'ex-maire révoqué et condamné en première instance à une peine sévère (3 ans de prison ferme et 5 ans d'inéligibilité) mais qui peut se présenter car son appel est suspensif (!); après un mandat du maire actuel où il ne s'est rien passé, avec en filigrane quelques dossiers qui pourraient devenir judiciaires, le chemin est tracé pour que le FN l'emporte. Chez nous, en Belgique, il est rare de rencontrer une telle médiocrité chez des hommes politiques, comme celle d'Hénin-Beaumont. Une journaliste vient d'ailleurs d'écrire, dans un livre consacré à la ville, constituant un véritable travail de terrain : "Face à Steeve Briois, il n'y a personne qui tienne la route !" * Certes, mais le sieur Briois ne vaut guère mieux que les autres...
En effet, depuis plus de 10 ans ce sont les mêmes hommes politiques qui sont au devant de la scène et ils ont tous échoué.... Le PS, qui menait la danse, a été incapable de former des politiques dignes de sortir la ville de l'ornière.
A noter qu'à Montigny-en-Gohelle, commune limitrophe d'Hénin, la situation est peu ou prou identique : même médiocrité, une liste dissidente de celle du maire socialiste investi, un PC, incapable, comme à Hénin, d'exister, et un FN, surpris de se voir probablement propulser en tête au premier tour...
A Béthune, le PS a également échoué : le maire sortant, Stéphane Saint-André, radical (ex-socialiste) soutenu par le parti socialiste à la faveur d'accords nationaux, aura face à lui : Jacques Mellick, ancien maire dont la réputation est sulfureuse, associé à son ancien disciple, puis adversaire (!) et maire à son tour, Bernard Seux, dans un tandem pathétique de 2 ex-cadors du PS; un ex-premier adjoint de Mellick, Daniel Boys, sera également candidat tandis qu'une liste improbable s'affiche avec un quatuor hétéroclite composé d'un ancien secrétaire général de Mellick (et ex-conseiller de Dalongeville !), d'un centriste, d'un UMP évincé de l'investiture et de la socialiste désignée par la section béthunoise, mais exclue pour dissidence...
Le maire devrait conserver son mandat, en s'alliant à Daniel Boys, afin de battre les 2 listes UMP et UDI. Encore une fois, le PS n'aura pas su gérer le trop-plein de candidats (de qualité certes, mais vieux chevaux de retour quand même). Heureusement, le FN est relativement faible sur le secteur.
Cette faiblesse frontiste n'existe pas à Bruay- Labuissière (27 000 habitants, comme Béthune et Hénin), malgré la victoire habituellement facile du PS (Alain Wacheux, maire sortant).
Lens sera également l'objet de toutes les attentions (en 2008, 4 listes étaient en présence au second tour, cas unique en France !). Le maire sortant, Sylvain Robert, adoubé, en juin dernier, par le successeur de l'emblématique André Delelis, aura un dissident face à lui, l'ancien secrétaire de section, Arnaud Sanchez, 27 ans. Là aussi les discussions devraient être "hard", au soir du premier tour, puisque d'autres listes de gauche seront présentes : une, sans étiquette (mais...) menée par une écologiste, et qui pourrait faire pencher la balance, en s'associant avec A. Sanchez, une liste communiste, ainsi que celle de l'ancien directeur de cabinet de JP Kucheida. Le FN et l'UMP complèteront le menu.
A Liévin, ville rivale et limitrophe de Lens, le successeur de JP Kucheida, l'homme par qui les dérives du PS ont émergé, devrait l'emporter facilement. La ville a tellement baigné dans le socialisme qu'elle en est encore imprégnée. Il serait intéressant d'analyser ce phénomène étonnant.
Arras est un cas à part. Longtemps socialiste avec un maire emblématique : Guy Mollet, un peu notre Guy Spitaels belge, plusieurs fois président du conseil et ministre sous la 4 ème république, patron de la SFIO, ancêtre du PS, et maire jusqu'en 1975. Son successeur régna encore 20 ans dans la ville de Robespierre, avant de se faire battre par un centriste et la ville aujourd'hui paraît imprenable pour la gauche. Le maire, Frédéric Leturque, ne fera qu'une bouchée de la liste socialiste/EELV (l'équivalent de notre Ecolo), menée par une Verte, tellement le PS ne pense pas gagner !
La communauté Urbaine d'Arras gardera probablement son président UMP, cas unique dans le Pas-de-Calais, le parti de Sarkozy étant mal implanté (sauf à Calais).
Nous reparlerons de tout cela.
Serge
* Haydée Sabéran, "Bienvenue à Hénin-Beaumont" édition de La Découverte; sortie le 27/2.