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Les casseroles font plus de bruit que de mal
Le Canard Enchaîné du 26 mars.
Malgré leurs tracas judiciaires, voire leurs condamnations, beaucoup d'élus ont repris en sifflotant le chemin de leur mairie. "Tu vois qu'il ne fallait pas stresser", s'est marré devant sa femme le maire de Levallois, Patrick Balkany, visé par une nouvelle information judiciaire pour blanchiment de fraude fiscale. Les affaires, c'est la santé électorale !
A Chantilly, son collègue UMP Eric Woerth est réélu avec 74% des voix, au nez et à la barbe de ces tyrans de magistrats qui l'ont renvoyé en correctionnelle pour trafic d'influence dans l'affaire Bettencourt, tandis que la Cour de Justice de la République enquête toujours sur l'hippodrome de Compiègne. Quant à Jean-François Copé, il pète la forme à Meaux (64%), malgré l'enquête préliminaire ouverte sur les factures rondelettes payées par l'UMP à son pote Bastien Millot. Lequel devient, brillamment, conseiller municipal à Séry-les-Mézières, dans l'Aisne, avec 79% des voix !
Elus inoxydables
Même les affaires de fesses ne défrisent pas les électeurs. Condamné en cassation pour harcélement sexuel, l'ex-PS Jacques Mahéas est réélu haut la main (au panier), avec 64% des voix, à Neuilly-sur-Marne. Quand à l'UMP Eric Raoult, après 15 000 SMS envoyés à une collaboratrice qui l'accuse-quelle idée!- de harcèlement, il sort en tête du premier tour au Raincy.
Et les pots-de-vin, ça tache ? Non. Condamné à 3 ans ferme, l'ancien ministre (UMP) Léon Bertrand est réélu, peinard, à 65%, à Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane.
La vedette vauclusienne Jacques Bompart, ex-FN rabiboché avec Marine, est un cas d'école : il rempile dès le premier tour à Orange. Avec un score de 59%, aussi beau que le procès qui l'attend... L'édile est renvoyé en correctionnelle avec sa fille et son gendre pour avoir réalisé de copieuses plus-values en rachetant des biens vendus par la ville. Un rapport de la Chambre régionale des Comptes a également salué ses exotiques notes de frais : des soins de "vinothérapie, hammam et bain thermal", des parfums de luxe, des cigares, des billets de train, des instruments de musique (1035 euros) et même de la literie (1000 euros). Merci qui ?
Nostalgiques, les électeurs ont aussi salué le retour de revenants : à gauche, Jacques Mellick, condamné dans l'affaire VA-OM, revient à Béthune, en tête au premier tour ! Et, à droite, Didier Schuller s'est qualifié pour le second tour à Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine). Ils pourront donner des conseils à d'autres édiles pas encore condamnés mais déjà prometteurs. Mis en examen pour "recel d'achats de votes" dans l'affaire Dassault, Jean-Pierre Bechter (UMP) a décollé en tête du premier tour à Corbeil-Essones. Témoin assisté dans l'enquête sur le cercle de jeu Wagram, le socialiste François Pupponi a explosé ses rivaux à Sarcelles, avec 63% des voix.
Maryse Joissains (UMP) arrive en tête à Aix-en-Provence, malgré une garde à vue en décembre pour une histoire d'emplois fictifs. Et, à Tarbes, l'UMP Gérard Trémège, soupçonné de favoritisme dans une affaire de marchés publics, est réélu dès le premier tour. Sûrement que ces affaires ne valent pas un haricot tarbais...
Un seul ressort grillé de sa casserole : l'(ex-)socialiste Gérard Dalongeville, condamné à 3 ans ferme pour détournement de fonds, a été écrabouillé à Hénin-Beaumont, avec 9% des voix. Qu'a-t-il bien pu faire pour déplaire à l'électeur ?
- C'est vrai que G. Dalongeville détonne dans ce tableau d'honneur d'élus repérés par la justice, mais distingués par les électeurs. Qu'a-t-il pu bien faire pour ne pas soulever l'enthousiasme sur sa personne ? Risquons une hypothèse : la population a assimilé l'état dégradé de la ville à GD. Dégradation des finances, du patrimoine (bâtiments, rues...). Contrairement aux autres élus cités qui ont réalisé des choses, GD n'a rien fait, même s'il se targue de certaines réalisations, mais dont les projets avaient été initiés par ses prédécesseurs.
- Le cas de Bompart (Orange), ex-FN redevenu proche de M Le Pen, et associé à des groupuscules encore plus extrémiste que le FN..., pose question : il est accusé d'avoir profité de l'argent public pour lui et ses proches. Il a tout pour plaire : extrémiste de droite (Occident, Ordre nouveau, Ligue du Sud...), anti-mariage pour tous, il a placé son fils sur sa liste, son épouse maire de Bollène et conseiller général. Ceux qui voudraient s'informer sur la gestion de la ville d'Orange peuvent consulter : http://www.franceculture.fr/emission-les-pieds-sur-terre-le-fn-aux-commandes-orange-2014-01-22.
- Pourquoi tous ces délinquants, condamnés ou présumés, ont-ils les faveurs des électeurs ?
- ils ont mis en place généralement des projets marquants;
- ils sont proches de leurs concitoyens;
- ils sont clientélistes : embauches et subventions sont les 2 mamelles de leurs succès;
- ils ont des réseaux leur permettant de trouver des financements;
- ils savent se poser en victimes.
Et comme, durant leurs mandats, ils ont tué dans l’œuf tout velléité d'opposition, personne n'est capable de se poser en alternative crédible : personne pour faire connaître les dérives, personne pour prendre la relève pendant les ennuis judiciaires...