mardi 5 octobre 2010

Avis de tempête géostratégique en mer de Chine


On parle de la pétaudière caucasienne, du conflit israélo/palestinien, du terrorisme islamiste, de l'Iran, de l'Irak, de l'Afghanistan, etc... mais on oublie que le conflit virtuellement le plus dangereux de la planète se situe autour de ces îles de la Mer de Chine où les rivalités entre la Chine et le Japon sont à la limite du conflit armé...Les épisodes de ces dernières semaines ont fait trembler toutes les chancelleries du monde...En aviez-vous entendu parler dans vos médias préférés? Peu ou pas du tout, alors que pourtant...
Le Monde
Editorial du 2/2/2010






La mer de Chine vient de connaître un avis de tempête politico-stratégique. Un de ces moments qui resteront dans l'histoire de la région ; un épisode qui a marqué tous les riverains et mis en lumière le profil inquiétant de la Chine - celui d'une puissance brutale, au nationalisme à vif, prête à intimider ses voisins.
Il a suffi d'un ensemble d'îlots en mer de Chine orientale, d'un chalutier et de vedettes de gardes-côtes pour faire du mois de septembre un mois d'extrême tension entre Pékin et Tokyo. Les îlots sont les Shenkaku, administrés par le Japon depuis la fin du XIXe siècle et revendiqués par la Chine sous le nom de Diaoyu.
Le chalutier était un bâtiment chinois qui, avec d'autres, pêchait alentour début septembre. Sommé de s'éloigner le 7 septembre par des vedettes japonaises, il a, selon la version de Tokyo, tenté d'éperonner l'une d'entre elles. Les Japonais ont saisi le bâtiment et immédiatement libéré l'équipage. Mais ils ont retenu le capitaine en garde à vue jusqu'au 24 septembre, pour " obstruction à des officiers dans l'exercice de leurs fonctions ".
L'affaire aurait dû se régler par la voie diplomatique, comme c'est le plus souvent le cas dans ce genre d'incident. Mais, là, pour obtenir la libération immédiate du capitaine, la Chine a choisi l'épreuve de force. Elle a usé de moyens qu'on n'emploie pas entre pays qui ont des liens économiques étroits et sont en passe d'améliorer leurs relations après une phase difficile, comme c'est le cas de la Chine et du Japon.
L'ambassadeur japonais à Pékin a été convoqué pour s'expliquer à plus d'une demi-douzaine de reprises, parfois à minuit... Toutes les rencontres bilatérales ont été annulées ; la visite d'écoliers japonais à l'Exposition universelle de Shanghaï interdite. Mesure plus grave encore, et qui a stupéfié nombre de partenaires commerciaux de la Chine dans le monde : Pékin a suspendu l'exportation de métaux rares vers le Japon... Enfin, les autorités ont saisi un prétexte pour faire arrêter quatre Japonais travaillant en Chine (trois d'entre eux ont été, depuis, libérés).
Tant d'agressivité a semé l'effroi autour de la mer de Chine. Car qu'il s'agisse de sa partie orientale ou méridionale, les différends territoriaux - en général sur des îles - n'y manquent pas entre Pékin et des pays comme le Vietnam, les Philippines, l'Indonésie, la Malaisie, Singapour ou Brunei.
Pourquoi la Chine a-t-elle choisi d'agir de manière aussi contre-productive pour son image, et même ses intérêts ? Volonté d'afficher sa souveraineté proclamée, mais contestée, et son contrôle sur une zone maritime par où passe une partie de son approvisionnement énergétique ? Pression nationaliste venue de l'opinion publique ou d'une fraction du Parti ? Désir de répondre à un récent discours de la secrétaire d'Etat américaine ? Hillary Clinton avait dit que les Etats-Unis avaient aussi des intérêts en mer de Chine...
Résultat prévisible : nombre de pays de la région ont éprouvé le besoin d'un discret rapprochement stratégique avec Washington. Comme une garantie.
© Le Monde

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