lundi 6 juin 2011

Benjamin Brafman, l'avocat



Benjamin Brafman est un méticuleux. Un artiste du détail et des choses bien faites. Telle cette épingle impeccablement fixée entre les deux pendants de son col de chemise, à peine visible derrière le noeud très serré d'une cravate marquée Talbott. Il aime mélanger les cravates " flashy " de chez Talbott et les costumes classiques de Paul Stuart ou de Ralph Lauren, aussi étudiés que sa crinière grise rabattue en arrière.

Les lecteurs du New York Times ont même eu la surprise, il y a quelques années, de découvrir parmi d'autres clients sa photo sur une publicité de Paul Stuart, son tailleur préféré de Madison Avenue : Benjamin Brafman en mannequin vedette, sur un quart de page. Avec cet air de lion tranquille qui fait oublier sa petite taille (1,68 m) et lui donne ce charisme si particulier dans les prétoires.

Il se désigne lui-même comme " un petit juif ". Pour d'autres, il serait plutôt " Little Big Man ", à la lumière des acquittements ou des minorations de peine qu'il a obtenus pour nombre de cas apparemment désespérés : le rappeur Jay Z, dans une affaire d'agression contre un producteur de disques, le footballeur américain Plaxico Burress, qui avait utilisé son arme dans une boîte de nuit, ou Vincent Basciano, l'un des parrains de la mafia américaine, accusé de trafic de stupéfiants. Il a aussi participé à la défense de Michael Jackson, accusé d'abus sexuels sur mineurs et acquitté. Il arrive qu'il perde des procès, aussi.

La plupart de ses clients ont un point commun : ils sont célèbres, riches et dans de très mauvais draps. De quoi lui valoir le surnom de " HP ", pour High Profile, que lui a attribué sa femme Lynda, libraire. Une chose est sûre : avec Benjamin Brafman, Dominique Strauss-Kahn, inculpé pour tentative de viol et agressions sexuelles, est sous la protection d'un des meilleurs - et des plus chers - pénalistes de New York. L'un des rares à plaider à la fois devant le tribunal fédéral, concerné par les crimes financiers ou les trafics de stupéfiants, et devant celui de l'Etat de New York, saisi notamment pour les affaires de viol.
La maniaquerie de l'épingle à cravate n'est pas pour rien dans l'extraordinaire réputation de Me Brafman, 62 ans, alias " Ben " pour ses amis. Ses victoires judiciaires, il les doit à son attention patiente aux détails. Il lit et relit tous les documents portés au dossier, visionne les vidéos des dizaines de fois, arrête l'image, réécoute les enregistrements, envoie des détectives chercher la moindre faille de l'accusation. Il est d'autant mieux informé sur les tactiques des procureurs qu'il l'a été lui-même, comme souvent les avocats américains, avant de passer du côté de la défense. Au procès, quand vient son tour de procéder au contre-interrogatoire du témoin de l'accusation, il sort ses perles rares, une à une. Et le pulvérise.
Un génie dans l'exercice. " Le meilleur des meilleurs ", dit de lui l'avocat Murray Richman, qui le connaît depuis plus de trente ans et qui a plaidé à ses côtés pour défendre, en 2001, le rappeur Sean Combs, dit " Puff Daddy ", accusé de possession d'arme prohibée. Au cours du procès, trois témoins de l'accusation ont juré avoir vu Combs avec l'arme. " Brafman les a démolis, se souvient Me Richman. Il les a conduits à s'empêtrer dans leurs contradictions. Il a décrypté les raisons qu'ils avaient de mentir. Il sait pénétrer les secrets. " Sean Combs a été acquitté.

Benjamin Brafman emballe les jurés. Imaginatif, persuasif, drôle, une bête de scène. " Le procureur veut vous convaincre, leur a-t-il dit un jour. Moi je veux avoir 15 centimètres de plus. C'est raté pourmoi, mais aussi pour lui ! "
Il joue de tous les registres, sérieux et ludique, calme et agressif, réceptif et en colère, intense et détaché. Il a de l'entraînement : à la yeshiva, ses clowneries désespéraient ses parents quand son grand frère, devenu rabbin, était montré en exemple. Plus tard, il exécutait des one-man-show dans les bar-mitsva. Il s'inspire maintenant des romans policiers de Michael Connelly, qu'il a tous lus.
" Brafman m'a beaucoup appris sur l'importance de la présence ", admet Mark Goodman, avocat et ancien procureur, qui s'était trouvé face à lui dans plusieurs affaires. " Quand il entrait dans mon bureau, tout dans son attitude me prévenait : "Je ne plaisante pas, vous feriez bien d'avoir des preuves et d'être prêt à vous battre." Je savais que j'avais intérêt à être au point : il serait, lui, très préparé. Et impitoyable. "

Dans l'affaire DSK, Benjamin Brafman a commencé par perdre : son client a dû passer quatre nuits à la prison de Rikers Island. " Vous n'avez rien vu, prévient l'un de ses confrères pénalistes réputés, Gerald Lefcourt. Il explorera toutes les options. Si le viol est incontestable, il négociera avec le procureur. Sinon, il ira au procès. Il peut gagner. Un viol, c'est difficile à prouver : parole contre parole... "
Brafman agace autant qu'il épate. Dans le milieu des avocats new-yorkais, il est de bon ton de le complimenter ouvertement et de lancer des vacheries, à voix basse, sur son " ego surdimensionné " et ses méthodes " toujours au bord de la déloyauté ". Sur son exaspérante habileté qui l'amène à flirter avec la ligne jaune, notamment pour déstabiliser les témoins de l'accusation. Sur sa manière, il est vrai très partagée, d'organiser des fuites dans la presse pour intimider la partie adverse et laisser entendre qu'il a " toutes les preuves ".

Lorsque Benjamin Brafman a défendu, en 1998, Peter Gatien, alors propriétaire de night-clubs à Manhattan et accusé de trafic de drogue, le procureur Eric Friedberg a rapporté qu'il faisait des déclarations " déplacées ", " incendiaires ", " mensongères " pour désorienter le jury. Au cours de son contre-interrogatoire agressif, l'avocat a réussi à faire pleurer un témoin de l'accusation. L'ironie de l'histoire veut que M. Friedberg codirige maintenant l'entreprise Stroz Friedberg, chargée d'assurer l'assignation à résidence de M. Strauss-Kahn.

Benjamin Brafman pleure aussi parfois. A l'écoute du verdict, qu'il ait gagné ou perdu, comme un joueur de tennis relâché d'un seul coup à la fin d'un match en cinq sets. Il a pleuré à l'issue du procès Sean Combs, dont l'acquittement l'a propulsé au sommet de sa gloire. " Comme les meilleurs avocats, il est intense, totalement impliqué ", note Me Goodman.
La vraie tristesse, il l'a connue dans son enfance. Avec son frère et ses deux soeurs, il grandit à Brooklyn dans une famille pauvre d'immigrés juifs orthodoxes, où le travail et la religion sont les seules valeurs et où pèse l'omniprésence de l'Holocauste. Leur père a fui l'Autriche en 1939. Leur mère a fui la Tchécoslovaquie en 1938, à 16 ans, seule rescapée de sa famille. A sa mort, en 1996, son fils Ben a fait son oraison : " C'est la première fois que ma mère n'a pas peur. "

" Ben est devenu avocat pour cela, dit son ami Me Richman. Parce qu'il a été élevé dans la hantise de la négation des droits, des libertés et du respect de la personne humaine. " Il ne suit pas le chemin de la plupart de ses confrères new-yorkais, formés dans les prestigieuses universités de la Côte est des Etats-Unis. Après avoir paressé à la yeshiva, il paye ses cours du soir au Brooklyn College grâce à ses spectacles comiques, puis part faire son droit où il est admis, à l'université de l'Ohio.
Chaque vendredi, avant le crépuscule, Benjamin Brafman quitte son bureau de la 3e Avenue pour retourner chez lui, à Long Island, où il retrouve Lynda. Ils ont deux enfants et douze petits-enfants. Il ne déroge pas à un repos du samedi et lors des fêtes juives, même en cas d'urgence. Au Jewish journal, il a confié qu'il arrivait parfois chez lui un peu après le coucher du soleil, le vendredi. Et s'en excuse : " Je me dis que Dieu comprendra que c'est pour essayer de sauver la vie de quelqu'un. "

Marion Van Renterghem (New York, envoyée spéciale)
© Le Monde

5 commentaires:

  1. Tu n'en as pas assez de faire l'exégèse des problèmes sexuels et judiciaires de DSK ? Cela va encore durer plusieurs mois et ce que j'en dis, c'est pour l'intérêt de ton blog qui abuse des copiés-collés de presse...Il y a aujourd'hui un sujet d'actualité qui t'a échappé : c'est la victoire de la gauche au Pérou et la raclée prise par tes amis socialistes au Portugal. En Amérique du Sud, il ne reste plus que deux pays à droite : la Colombie et le Chili (que viennent de perdre également les socialistes...). Le "petit peuple" sait se mobiliser sur des contenus transformateurs pour sa vie, et sa vie est à mille lieues des déboires de DSK le néo-libéral. A quelle intelligence s'adresse ton blog ?

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  2. Je publie ce type de message afin que l'on comprenne jusqu'où peut mener la dictature de certains cherchant à convaincre qu'ils détiennent la Vérité. En utilisant même l'invective...

    J'ai, jusqu'à présent, par souci de laisser chacun s'exprimer, publié les commentaires de cet anonyme "Alouille"...Mais je ne suis pas maso et si mes textes ne lui plaisent pas, il n'a qu'à les ignorer...
    Quant à moi, je ne publierai plus ces contenus, dès qu'ils seront agressifs à mon égard...

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  3. Pourquoi pas Alain ?

    Son coté "Lutte des classes" a un petit coté qui n'est pas pour me déplaire...

    Je regardais la semaine dernière les "Don Camillo" qui passaient sur FR3... Alouille avait une place rêvée dans le casting !!!

    Pour les autres, à part le Porno du Dimanche soir (voir pour le décalage horaire avec New-york), je conseille actuellement "Une exécution ordinaire" sur Canal + avec André Dussolier...

    Tous les fans de la Soginorpa et de l'Epinorpa apprécieront sans nul doute les derniers jours de STALINE.

    Amitiés

    J.

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  4. Le stalinisme a été dans la croyance que, dès lors que l'objectif était (et reste) noble, n'importe quel moyen valait d'être utilisé pour l'atteindre...la sociale-démocratie, aujourd'hui, est dans le brouillage des pistes pour rendre inatteignable cet objectif de partage et de démocratie réelle considéré, dans le même temps, comme ne devant et ne pouvant pas remettre en cause la sacro-sainte loi du marché capitaliste. J'essaye simplement en ce qui me concerne de n'être pas un pervers polymorphe de la blogosphère de gôche, et cet anonyme qui te transmet ses amitiés doit ignorer que le Capital de Marx est l'oeuvre la plus vendue dans le monde ces dernières années...et ce n'est pas le monde de Don Camillo!...Continue, Alain. Ce que tu écris est certes d'un éclairage nul pour le combat de classe et ses antagonismes (attention, je sors mon couteau et je le mets entre mes dents), avec pour conséquence que ça ne le gêne pas non plus. Mais je continuerai de temps en temps, et plein d'un secret espoir, à aller sur ton blog. Amicalement.

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  5. Ce n'est pas parce qu'on a pas les mêmes idées ....

    Ceci dit, l'oeuvre la plus vendue au monde reste la bible... Ça c'est de la vraie manipulation de masse !!!

    Ce Alouille serait-il un brave type au fond ?!

    Et bien oui, pourquoi pas !

    J.

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