La République des Pyrénées a fait paraître cet article de JM Bouguereau, journaliste politique pendant longtemps au Nouvel Obs. Aujourd'hui, retraité, il fait des "piges" et se consacre beaucoup à sa passion : la gastronomie. Est-ce pour cela qu'il a écrit l'article ci-dessous ? En partie, probablement... Sa synthèse sur ce qu'est devenue l'agriculture cornaquée par la FNSEA, est remarquable. Le lobby agro-industriel est puissant et mène notre agriculture "à sa perte". On aurait pu penser qu'un gouvernement de gauche aurait plus écouté les paysans et les consommateurs plutôt que le syndicat majoritaire. Il n'en est rien. C'est aux consommateurs, à nous, donc, d'épauler les paysans qui veulent produire propre et local... Notre pouvoir réside dans le fait que nous pouvons nous tourner vers ceux qui utilisent les méthodes traditionnelles et qui respectent l'environnement. N'hésitons pas à nous rapprocher d'eux et, en particulier, de ceux qui vendent en direct ("circuit court"). Non seulement, vous profiterez de la qualité des produits, mais vous ferez un geste fondamental pour l'environnement, et plus particulièrement dans le NPDC, une des régions les plus touchées par la pollution de l'eau par les nitrates !


Une agriculture qui court à sa perte

Par Jean-Marcel Bouguereau

Publié le 06/11/2014 
Les agriculteurs se disent "incompris, accablés par les contrôles et les réglementations". Sur ce point, ils n'ont pas tort. Tous les Français souffrent de cette pathologie ! Le classement 2012 du World Economic Forum a placé la France 126e sur 144 en matière de complexité administrative ! Ils n'ont pas tort non plus de mettre en avant la nécessité d'un "patriotisme alimentaire" et de réclamer que, dans les cantines publiques, deux plats sur trois soient confectionnés à partir de produits français et franchement, on s'étonne que ce ne soit pas déjà le cas !
Mais le véritable enjeu est environnemental. Début septembre, la France a été une nouvelle fois sanctionnée par Bruxelles pour ne pas être parvenue à respecter la directive sur les nitrates et les pollutions d'origine agricole. Fin juillet, la ministre de l'écologie, Ségolène Royal, a donc décidé de classer 3 800 communes supplémentaires en zone vulnérable afin d'y réduire l'utilisation des nitrates, soit au total 23 000 communes. En France, la présence de nitrates dans les eaux provient à 66 % de l'agriculture, à cause de l'épandage de doses massives d'engrais azotés et de lisier. Très solubles dans l'eau, les nitrates constituent la cause majeure de pollution des grands réservoirs d'eau.

À travers cette question, c'est tout un modèle d'agriculture industrielle, exportatrice, fortement consommatrice de ressources en énergie et en eau, et destructrice en termes d'environnement et d'emplois, qui est en cause. À l'heure où les préoccupations environnementales prennent à juste titre le pas sur d'autres exigences, les agriculteurs se sentent coincés par ces nouvelles exigences (bien-être animal, diminution de l'usage des pesticides). Tout est lié : si les variétés à haut rendement, fragiles, sont protégées en permanence par des batteries d'engrais et de pesticides, les sols en souffrent, ce qui accroît le ruissellement et explique les inondations catastrophiques qu'on a vu récemment se multiplier. De surcroît on abîme l'environnement et la santé. Les sols souffrent et l'humanité ne mange plus guère que des plantes malades.
Cette agriculture productiviste crée sa propre mort : les sols se fatiguent et les rendements baissent. Croyez-vous que ça arrête nos industriels de l'agriculture ? Pas du tout. Ils vont même toujours plus loin, comme avec le projet de ferme des 1 000 vaches. Tout se tient : pour approvisionner ces usines à lait ou à viande, il faudra exporter du soja ou du manioc, au prix de la destruction des forêts d'Amazonie ou d'Asie. C'est contre ce modèle qu'auraient dû se battre les agriculteurs, alors qu'en suivant la FDSEA, ils ne font que serrer un peu plus le nœud coulant de la corde à leur cou.