Le Monde Magazine 25/3/2011
Devant une salle comble, cinq ans après la mise en place de la  démarche, Vincent Delahaye, maire centre droit de Massy (Essonne), étale  son bilan. Depuis les quinze ruches installées "et leurs milliers de nouvelles Massicoises", jusqu'à l'éclairage  public : "- 8 % en dépenses d'énergie, soit 17 000 euros d'économies !" Ses mots-clés : "projets partagés", "initiatives", "nos envies communes", "civilité"  ne suffisent pourtant pas totalement à masquer la difficulté qu'il y a à  faire vivre le consensus et la discussion. On trouve, dans ces réunions  publiques, toujours un dingue au premier rang qui aimerait qu'on mange  les pigeons pour s'en débarrasser, un écolo-poujadiste dont la réunion  de copropriété et le trajet à vélo sont les seuls baromètres et un maire  qui, comme partout, vous expliquera qu'entre l'environnement et lui,  c'est une histoire d'amour qui remonte à l'Antiquité.
LE SYNDROME DU CAPTEUR SOLAIRE
"On n'avance pas de façon foudroyante en tout, convient Catherine Lafeuille, responsable convaincue du projet agenda 21 à la mairie de Massy, mais  chaque année nous montons le curseur. Toutes les constructions sont  désormais évaluées en performance énergétique, nous n'utilisons plus  aucun produit phytosanitaire dans les espaces verts, nous avons installé  86 containers enterrés pour remplacer les vide-ordures et nous  soutenons des entreprises d'insertion, par exemple pour la récupération  d'ordinateurs, qui sont reconfigurés pour être revendus 100 euros aux  habitants nécessiteux. Bien sûr, nous avons plus de mal avec les  transports qui ne sont pas une compétence communale, ou en ce qui  concerne l'implication des entreprises et des bailleurs sociaux… Mais ce  n'est que le début. Tous ces microprojets, mis bout à bout, induisent  de vrais changements."
"Je dois dire qu'en novembre au Congrès des maires de France,  j'ai été frappé par le monde présent à la table ronde sur le  développement durable. Pour autant, j'ai bien peur que tout cela ne soit  avant tout du marketing", s'inquiète Jean-François Caron, maire  Vert de Loos-en-Gohelle (Pas-de-Calais), dont les innovations  environnementales dans les plaines de l'Artois font figure d'exemple.
"Attention à l'exercice de style qui sert d'alibi, attention aux  contrefaçons et aux effets d'affichage ! 95 % des élus restent sur des  schémas assez lourds. On réfléchit aux robinets, aux ampoules, pas sur  le modèle de croissance." C'est ce qu'il appelle "le syndrome du capteur solaire"  : je construis un gymnase, je mets quatre générateurs photovoltaïques  sur le toit et je fais la couverture de mon bulletin municipal pour  montrer que j'ai fait un geste pour la planète.
Député et maire d'Orléans, aujourd'hui rapporteur du Grenelle 2 et  président de la commission du développement durable à l'Assemblée, Serge  Grouard en convient : "Le risque, c'est que ça devienne la tarte à  la crème. L'autre écueil étant l'inertie des services : si vous n'êtes  pas en permanence en train de mettre la pression, la machine revient à  sa marche originale." C'est en 2004 que Serge Grouard a établi un  agenda 21 à Orléans, misant sur la participation, mettant en place des  ateliers jusque dans les foyers sociaux.
Sept ans après, le député UMP déchante : "On peine à voir les  plus jeunes, les moins de 30 ans. On retombe toujours sur les mêmes  gens. Et puis, le forum citoyen que nous avons créé, s'il continue de  fonctionner – il s'y dit des choses intéressantes –, a tendance  désormais à être instrumentalisé politiquement. Certains y viennent pour  faire de la retape, pour vous discréditer. Cela peut devenir très  stérile. Du coup, des gens s'en vont, et je les comprends…" L'opposition à Grouard ne dit pas autre chose.
Laurent Carpentier 
A suivre
 
 
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