mardi 15 mars 2011

3 hommes exceptionnels


3 vies peu communes viennent de s'achever...Le Monde, le même jour (le 11 mars) a retracé leurs destins respectifs et je m'en suis inspiré.

Spécialiste de Shakespeare et du théâtre élisabéthain, Richard Marienstras est mort à Paris le 22 février, à l'âge de 83 ans.
Né à Varsovie le 18 janvier 1928, dans une famille bourgeoise juive où l'on parlait polonais et non yiddish, il connaît à peine son père : il a 3 ans quand ses parents divorcent. Sa mère l'entraîne alors dans ses pérégrinations, de l'Italie à la Riviera, en lui offrant le luxe de deux langues maternelles, le polonais et le français.
Il entre ainsi dans la Résistance à 15 ans, après son arrivée en France, au début de la guerre. Dès 1945, il revient à Paris où, au sein d'une mission juive internationale, il est chargé d'accompagner les rescapés des camps dans leurs démarches pour trouver un asile.
Il apprend l'anglais en autodidacte. Licence en poche, il part, avec son épouse, Elise, jeune historienne d'origine juive polonaise, pour la Tunisie, où Bourguiba inaugure une nouvelle ère. Ils y resteront quatre ans (1957-1961). Entre-temps, Richard Marienstras décroche l'agrégation d'anglais et est aussitôt nommé assistant à Tunis.
De 1961 à 1963, il enseigne aux Etats-Unis. Dès son retour en France, il obtient un poste à la Sorbonne.  Il enseigne la littérature et devient l'un des plus brillants spécialistes de Shakespeare, dont la profondeur tragique est en écho exact à sa vision du monde contemporain.
Richard Marienstras n'a cessé de s'interroger sur la judéité, après le traumatisme vécu au lendemain de la guerre. Il fonde ainsi, en 1967, le Cercle Gaston-Crémieux, pour affirmer la légitimité d'une existence juive diasporique sans inféodation à la synagogue ou au sionisme.
Fou de théâtre, il avait collaboré avec Jack Lang au théâtre de Nancy durant les années 1970, et travaillé avec Peter Brook, notamment sur La Tempête.

- Il était la mémoire vivante des années de jeunesse d'Ernesto Guevara, un de ceux qui l'ont le mieux connu avant qu'il ne devienne " Che ", le guérillero mythique. Alberto Granado, biologiste argentin, est mort à l'âge de 88 ans, le 5 mars à La Havane, où il vivait depuis un demi-siècle.
Alberto Granado est biologiste et Ernesto Guevara, étudiant en médecine, quand les deux amis, âgés respectivement de 29 et 23 ans, quittent Buenos Aires pour entreprendre, entre décembre 1951 et juillet 1952, un légendaire périple à moto à travers l'Amérique latine.
Ce voyage initiatique a été porté à l'écran, en 2004, par le réalisateur brésilien Walter Salles dans le film Carnets de voyage, adapté du Diarios de motocicleta (" Journal du voyage à moto ") d'Ernesto Guevara, et alimenté par les notes de voyage d'Alberto Granado, Avec le Che en Amérique latine.
" J'ai vu Guevara changer peu à peu ", disait-il. Les gens qu'ils rencontrent, les injustices sociales qu'ils découvrent dans les différents pays qu'ils traversent modifient la perception du monde des deux jeunes hommes."
Quand l'odyssée se termine, les deux amis se séparent. Alberto Granado reste au Venezuela, où le dictateur Perez Jimenez vient d'être renversé. On lui offre de diriger l'Ecole de biologie de l'université de Caracas. Ernesto Guevara rentre à Buenos Aires où il obtient son diplôme de médecin. 
Alberto Granado ne reverra son ami que neuf années plus tard. En 1961, à La Havane, deux ans après la révolution, Guevara, devenu ministre de l'industrie, l'invite à venir s'installer dans " sa nouvelle patrie ". Alberto Granado accepte et fonde la première faculté de médecine de l'université de Santiago de Cuba. Jusqu'à sa retraite, en 1994, il dirige le département de génétique.
La dernière rencontre des deux amis remonte à 1964 avant que Che Guevara ne quitte Cuba pour le Congo, puis la Bolivie, d'où il espérait promouvoir la révolution dans le reste du continent. Le 9 octobre 1967, il est capturé et exécuté dans le petit village bolivien de La Higuera.
Conformément à sa volonté, Alberto Granado, décédé le 5 mars, a été incinéré et ses cendres seront dispersées entre Cuba, l'Argentine et le Venezuela. 

L'auteur tchèque Arnost Lustig, qui fut à la fois écrivain et scénariste, est mort d'un cancer, samedi 26 février à Prague. Il était âgé de 84 ans.
Il disparaît au moment même où il commençait à se faire un nom en France, grâce à la parution, à l'automne 2010, aux éditions Galaade, d'un de ses romans les plus saisissants de force et de sobriété, Elle avait les yeux verts.
Né à Prague, le 21 décembre 1926, dans une famille juive modeste, Arnost Lustig a 16 ans lorsqu'il est envoyé au camp de concentration de Terezin. Il est ensuite déporté à Auschwitz et à Buchenwald. Au printemps 1945, réussissant à s'enfuir lors d'un transfert vers Dachau, il regagne Prague où il retrouve sa mère et sa soeur, toutes deux rescapées de Mauthausen.
Tout ce que j'ai appris d'important sur l'homme, je l'ai appris dans la guerre, disait-il. La guerre ôte à l'homme la chemise et les vêtements de la convention, de la morale, des habitudes et des règles et elle le confronte avec des situations inattendues où il doit décider, parfois en une seconde, ce qui est bon ou mauvais, juste ou injuste. "
Après l'occupation soviétique de la Tchécoslovaquie en 1968, Arnost Lustig émigre en Israël puis en Yougoslavie et aux États-Unis, où il enseignera le cinéma et la littérature. Ce n'est qu'à la chute du Mur, en 1989, qu'il revient à Prague, partageant alors son temps entre son pays natal et les Etats-Unis.
Dans toute son œuvre littéraire et cinématographique, Arnost Lustig n'aura cessé de sonder la capacité des hommes à survivre aux événements les plus terribles. Pourtant, ce qui frappe le plus dans tous ses ouvrages, c'est son inébranlable optimisme, sa confiance absolue en l'humanité. " L'homme est un ressort qui arrive toujours et toujours à se déplier ", écrit-il. Son roman Elle avait les yeux verts en est un excellent exemple. Dans une langue pudique et dépouillée, sans pathos ni complaisance, il raconte l'histoire d'Hanka, une jeune juive qui sauve sa peau en intégrant un bordel militaire. Avec comme seule planche de salut sa foi inaltérable dans la vie.
Dans ses romans, les femmes, toujours fortes et innocentes, inoubliables et intenses, sont placées dans des circonstances où elles doivent faire des choix mettant en jeu leur être profond. C'est à travers elles qu'Arnost Lustig nous interroge sur la volonté de survivre et la culpabilité des survivants.
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2 commentaires:

  1. Incident nucléaire : la récupération politique des Verts
    Menacés par la montée du Front national et les appels à l'union de la gauche dès le premier tour, les Verts voient dans les incidents nucléaires au Japon une occasion en or de redevenir audible... Au risque de dramatiser à dessein les enjeux !


    Les incidents sur les centrales nucléaires japonaises n'ont pas fait que des malheureux. Les Verts font leur beurre sur ce drame et tentent de ramener la catastrophe nippone jusqu'à nos frontières.

    Que les Verts, Cécile Duflot en tête, profitent de l'occasion pour sensibiliser la population française aux risques du nucléaire, n'est pas une surprise (et serait même plutôt une bonne chose). Mais on peut tout de même se demander quelles sont les motivations derrière l'assaut anti-nucléaire du parti écologiste.

    Jusqu'à preuve du contraire, les accidents intervenus sur la centrale nucléaire de Fukishima depuis le tremblement de terre et le tsunami au Japon, n'ont pour l'heure causé aucun décès même s'ils sont plus que sérieux, et que des centaines de personnes ont pu être contaminées.

    A côté des plus de 10.000 morts du séisme/tsunami, la décence devrait peut être pousser les partis politiques, en particulier les Verts, à un peu de retenue dans l'utilisation politique de la catastrophe.

    Mais de la décence vis à vis des victimes, le parti de Cécile Duflot n'en a pas lorsqu'il veut forcer son avantage et jouer sur l'émotion légitime des Français après cette catastrophe.

    Les Verts se gardent pourtant bien de dire que les circonstances de l'accident ne peuvent pas être reproduites en Europe, que les contaminations sont pour l'instant très limitées, et qu'on est surtout pas en face d'un scénario à la Tchernobyl sur lequel Cécile Duflot surfe.

    L'accident du Japon pose d'évidentes questions sur la sécurité des installations nucléaires, mais ce débat-là ne doit pas être utilisé pour assurer une candidature à la prochaine présidentielle ? Il sera bien temps dans les semaines à venir d'en rediscuter.

    Le fond du problème réside dans la volonté des Verts d'exister en dehors du PS et de ne pas se ranger derrière une candidature unique en 2012.

    Or s'il est un sujet sur lequel Verts et socialistes ne sont pas d'accord, c'est bien celui du nucléaire, que le PS n'a jamais remis en cause.

    En dramatisant à dessein les risques et les retombées de l'accident japonais, les Verts espèrent faire du nucléaire l'un des thèmes majeurs de la prochaine présidentielle et imposer leur candidat et leurs idées à l'ensemble de la gauche.
    (source agoravox).


    Après avoir été le parti des vieux babas, les Verts ne sont-ils pas devenus le parti des vieux bobos ?

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  2. A 9H44, j'aurai l'occasion de creuser un peu plus ce commentaire, mais voici, en quelques mots, des éléments:

    - je confirme que jamais l'État n'a fait œuvre de transparence en la matière. Les Français doivent avoir confiance: l'Etat sait tout
    - à chaque incident ou accident, on nous dit qu'il n'y a aucune chance que cela arrive en France puisque tout est prévu...
    - les incidents sont nombreux en France, mais pour le moment, rien n'est arrivé de grave heureusement. On a frôlé la catastrophe à Blaye suite à une inondation mais qui l'a su?
    - on ment aux Français: relisez toutes les déclarations depuis samedi. Elles vont crescendo...
    - vous savez combien de victimes (morts, irradiés...) ferait un attentat contre Gravelines ou une importante inondation? Des millions!

    Et il ne faudrait pas discuter de cela! Alors que pourtant il existe des alternatives au nucléaire (bien sûr, à mettre en place sur 20 ou 30 ans).
    Si on ne se réveille pas maintenant de quoi aurons-nous l'air lors de la catastrophe statistiquement inéluctable.
    Combien pariez-vous qu'encore une fois on est en train de minimiser la catastrophe japonaise?

    Les gens responsables doivent pouvoir discuter de ce qui engage notre avenir: un audit des centrales françaises, un grand débat public en France puis un référendum (tout cela avec la même procédure à suivre au niveau mondial). Quelqu'un aurait-il peur des résultats de cette consultation populaire?

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