mardi 17 mai 2011

Le traitement réservé à M. Strauss-Kahn est habituel dans les procès américains

Tout choquant qu'il paraisse à nombre de Français, le traitement réservé à Dominique Strauss-Kahn n'a rien d'extraordinaire au regard des pratiques américaines. Depuis toujours, les services de police organisent des présentations de suspects menottés pour les photographes ou les télévisions. Une pratique, qui, dans le jargon, se dit perp walk (pour perpetrator) : la " marche " de l'individu soupçonné d'avoir " perpétré " le crime ou le délit.

La " parade " se déroule pendant un transfert du suspect et vise à l'humilier ou mettre en valeur les efforts du procureur. En 1997, le militant d'extrême droite Timothy McVeigh, l'auteur de l'attentat d'Oklahoma City, avait été présenté aux médias avant même son inculpation, mais entouré d'une douzaine d'agents du FBI, et à point nommé pour les journaux télévisés.

Certaines associations ont protesté contre une pratique qui va à l'encontre de la présomption d'innocence, estimant contradictoire que l'accusé ait le droit de se taire (en vertu du 5e amendement) mais pas d'interdire que son image soit utilisée contre lui, avant même qu'il ait comparu devant un jury. Mais les tribunaux ont autorisé les perp walk à condition qu'elles servent un but légitime : dissuader d'éventuels criminels ou éduquer sur le travail des forces de l'ordre.

En moyenne 75 caméras
A New York, la police (NPYD) va jusqu'à prévenir les photographes qu'une présentation de suspect va se tenir. Alors que les perp walk étaient plutôt réservés aux grands criminels, Rudolf Giuliani, du temps où il était procureur du district sud de Manhattan, en a fait une arme contre la délinquance en col blanc. C'est lui qui a introduit la pratique de montrer les PDG ou traders, menottes aux poignets, pour délit d'initié.
Après l'affaire Enron, la justice voulait montrer que nul n'est au-dessus des lois, quels que soient sa fortune ou son nom. Il arrive aussi que les procureurs proposent de surseoir au perp walk si le suspect accepte de coopérer. Le prévenu décide de se livrer et il arrive au palais de justice de son plein gré.

Quand Dominique Strauss-Kahn a comparu, lundi 16 mai, pour la présentation des charges auxquelles il fait face, l'audience a été filmée par les chaînes de télévision (qui n'ont montré que quelques extraits). Là non plus, rien d'inhabituel. Si les caméras n'entrent pas dans les tribunaux fédéraux, encore moins à la Cour suprême, elles sont communément admises dans les tribunaux des Etats.
L'accusé peut demander leur interdiction à condition de prouver que la publicité l'empêche de bénéficier d'un traitement équitable. En 1994-1995, le procès du footballeur O.J. Simpson, retransmis en direct dans tout le pays, avait été suivi par des millions de personnes tous les jours.

Depuis le procès d'O.J. Simpson, les Américains ont développé un goût prononcé pour les " drames judiciaires ". La justice télévisée est devenue une industrie en soi. Née en 1991, la chaîne Court TV présente à longueur de journée des émissions juridiques et des audiences de procès, d'anonymes ou de célébrités.
De Lindsay Lohan à Charlie Sheen, de Mel Gibson à Michael Jackson, puis à son médecin, les vedettes se bousculent à la barre du tribunal du comté de Los Angeles. Selon le New York Times, chaque audience attire en moyenne 75 caméras et 300 reporters.

Corine Lesnes
© Le Monde 18/5/2011

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