vendredi 7 octobre 2011

Banlieues en République


Ci-dessous un article du Monde reprenant une étude fondamentale du chercheur et spécialiste de l'islam, Gilles Kepel. Fondamentale car elle nous dresse une photo des banlieues, loin des préjugés et clichés qui circulent. Le texte est un peu long, mais je n'ai pas voulu le couper de peur de le dénaturer (j'ai souligné les phrases-clés pour les lecteurs pressés)  .
La thèse est simple: devant l'absence de l’État et de ses valeurs républicaines, l'islam s'est installé parce qu'il représente une référence, une valeur morale à défaut de laïcité. Tant qu'on laissera l'islam régler les problèmes quotidiens, on s'éloignera de l'idéal (partagé) de l'intégration.  
Je tiens à disposition de ceux qui seraient intéressés, d'autres articles parus, en complément, sur le sujet. Il suffit de me les demander sur: alainalpern@gmail.com




Une équipe de cinq chercheurs, conduite par le politologue Gilles Kepel, s'est immergée à Clichy-sous-Bois et Montfermeil, épicentre de la crise des banlieues en 2005. Leur étude, inédite, montre le poids de l'islam dans la vie quotidienne

Voilà un constat qui va déranger. Dans les tours de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil (Seine-Saint-Denis), les deux villes emblématiques de la crise des banlieues depuis les émeutes de l'automne 2005, la République, ce principe collectif censé organiser la vie sociale, est un concept lointain. Ce qui " fait société " ? L'islam d'abord. Un islam du quotidien, familial, banal le plus souvent, qui fournit repères collectifs, morale individuelle, lien social, là où la République a multiplié les promesses sans les tenir.

La croyance religieuse plus structurante que la croyance républicaine, donc. Vingt-cinq ans après avoir publié une enquête référence sur la naissance de l'islam en France - intitulée Les Banlieues de l'islam (Seuil) -, le politologue Gilles Kepel, accompagné de cinq chercheurs, est retourné dans les cités populaires de Seine-Saint-Denis pour comprendre la crise des quartiers. Six ans après les émeutes causées par la mort de deux adolescents, en octobre 2005, son équipe a partagé le thé dans les appartements des deux villes, accompagné les mères de famille à la sortie des écoles, rencontré les chefs d'entreprise, les enseignants, les élus, pour raconter le destin de cette " Banlieue de la République " - c'est le titre de l'enquête, complexe et passionnante, publiée par l'Institut Montaigne.

Le sentiment de mise à l'écart a favorisé une " intensification " des pratiques religieuses, constate Gilles Kepel. Les indices en sont multiples. Une fréquentation des mosquées beaucoup plus régulière - les deux villes (60 000 habitants au total) comptent une dizaine de mosquées, aux profils extrêmement variés, pouvant accueillir jusqu'à 12 000 fidèles. Une pratique du ramadan presque systématique pour les hommes. Une conception extensible du halal, enfin, qui instaure une frontière morale entre ce qui est interdit et ce qui est autorisé, ligne de fracture valable pour les choix les plus intimes jusqu'à la vie sociale.

Les chercheurs prennent l'exemple des cantines scolaires, très peu fréquentées à Clichy en particulier. Un problème de coût évidemment pour les familles les plus pauvres. Mais la raison fondamentale tient au respect du halal. Les premières générations d'immigrés y avaient inscrit leurs enfants, leur demandant simplement de ne pas manger de porc. Une partie de leurs enfants, devenus parents à leur tour, préfère éviter les cantines pour leur propre descendance parce que celles-ci ne proposent pas de halal. Un facteur d'éloignement préoccupant pour Gilles Kepel : " Apprendre à manger, ensemble, à la table de l'école est l'un des modes d'apprentissage de la convivialité future à la table de la République. "

Car le mouvement de " réislamisation culturelle " de la fin des années 1990 a été particulièrement marqué à Clichy et à Montfermeil. Sur les ruines causées par les trafics de drogue dure, dans un contexte d'effondrement du communisme municipal, face à la multiplication des incivilités et des violences, les missionnaires du Tabligh (le plus important mouvement piétiste de l'islam), en particulier, ont contribué à redonner un cadre collectif. Et participé à la lutte contre l'héroïne, dans les années 1990, là où la police avait échoué. Ce combat contre les drogues dures - remplacées en partie par les trafics de cannabis - a offert une " légitimité sociale, spirituelle et rédemptrice " à l'islam - même si la victoire contre l'héroïne est, en réalité, largement venue des politiques sanitaires.

L'islam a aussi et surtout fourni une " compensation " au sentiment d'indignité sociale, politique et économique. C'est la thèse centrale de Gilles Kepel, convaincu que cette " piété exacerbée " est un symptôme de la crise des banlieues, pas sa cause. Comme si l'islam s'était développé en l'absence de la République, plus qu'en opposition. Comme si les valeurs de l'islam avaient rempli le vide laissé par les valeurs républicaines. Comment croire encore, en effet, en la République ? Plus qu'une recherche sur l'islam, l'étude de Gilles Kepel est une plongée dans les interstices et les failles des politiques publiques en direction des quartiers sensibles... Avec un bilan médiocre : le territoire souffre toujours d'une mise à l'écart durable, illustrée ces dernières semaines par l'épidémie de tuberculose, maladie d'un autre siècle, dans le quartier du Chêne-Pointu, à Clichy, ghetto de pauvres et d'immigrés face auquel les pouvoirs publics restent désarmés (Le Monde du 29 septembre). Illustrée depuis des années par un taux de chômage très élevé, un niveau de pauvreté sans équivalent en Ile-de-France et un échec scolaire massif.

Clichy-Montfermeil forme une société fragile, fragmentée, déstructurée. Où l'on compte des réussites individuelles parfois brillantes et des parcours de résilience exemplaires, mais où l'échec scolaire et l'orientation précoce vers l'enseignement professionnel sont la norme. " Porteuse d'espoirs immenses, l'école est pourtant aussi l'objet des ressentiments les plus profonds ", constatent les chercheurs. Au point que " la figure la plus détestée par bon nombre de jeunes est celle de la conseillère d'orientation à la fin du collège - loin devant les policiers ".

Et pourtant, les pouvoirs publics n'ont pas ménagé leurs efforts. Des centaines de millions d'euros investis dans la rénovation urbaine pour détruire les tours les plus anciennes et reconstruire des quartiers entiers. Depuis deux ans, les grues ont poussé un peu partout et les chantiers se sont multipliés - invalidant les discours trop faciles sur l'abandon de l'Etat. Ici, une école reconstruite, là, un immeuble dégradé transformé en résidence. Un commissariat neuf, aussi, dont la construction a été plébiscitée par les habitants - parce qu'il incarnait l'espoir d'une politique de sécurité de proximité.
Le problème, montre Gilles Kepel, c'est que l'Etat bâtisseur ne suffit pas. Les tours ont été rasées pour certaines, rénovées pour d'autres, mais l'Etat social, lui, reste insuffisant. La politique de l'emploi, incohérente, ne permet pas de raccrocher les wagons de chômeurs. Les transports publics restent notoirement insuffisants et empêchent la jeunesse des deux villes de profiter de la dynamique économique du reste de la Seine-Saint-Denis. Plus délicat encore, la prise en charge des jeunes enfants n'est pas adaptée, en particulier pour les familles débarquant d'Afrique subsaharienne et élevés avec des modèles culturels très éloignés des pratiques occidentales.

Que faire alors ? Réorienter les politiques publiques vers l'éducation, la petite enfance, d'abord, pour donner à la jeunesse de quoi s'intégrer économiquement et socialement. Faire confiance, ensuite, aux élites locales de la diversité en leur permettant d'accéder aux responsabilités pour avoir, demain, des maires, des députés, des hauts fonctionnaires musulmans et républicains. Car, dans ce tableau sombre, le chercheur perçoit l'éveil d'une classe moyenne, de chefs d'entreprise, de jeunes diplômés, de militants associatifs, désireuse de peser dans la vie publique, soucieuse de concilier identité musulmane et appartenance républicaine.

Luc Bronner
© Le Monde 5/10/2011



11 commentaires:

  1. PETITE QUESTION: EST IL VRAI QUE LA MUNICIPALITE ENVISAGE L INSTALLATION D UN CAMP DE GENS DU VOYAGE A L ANGLE DE LA RUE MELUSINE ET DU BD PIETTE?

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  2. Excellent article ! L'ayant vécut de l'intérieur je puis vous dire qu'il reflète parfaitement la réalité. C'est le manque de République qui favorise les communitarismes ! Il est temps que nos politiques en prennent conscience. D'ailleurs, ils devraient commencer par se faire leur propre examens de conscience quand à leur comportement souvent aux antipodes de celui qu'exigeait la République ! Je n'oublie pas que notre première République avait érigé en dogme la vertu. Ils semblent que beaucoup de nos élus semblent aujourd'hui ignorés le sens même de ce mot. Leurs exemples affligeant ne peuvent que nourrir les extrêmes qu'ils soient religieux ou politique !

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  3. mr alpern,
    pourquoi beaucoup de chevenementistes ont-ils rejoint le comité de campagne de marine lepen.seraient-ils victimes ,eux aussi du grand gourou-manipulateur,G.B. ,qui manipule en permanence l'A.R.

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  4. Bravo M. F. Hollande d'avoir enfin reconnu que le FN est au plus haut dans les opignion des électeurs, vous pouvcez dire Merci à votre Principale Soutien sur notre cterritoire du Pas De Calais: Albert Facon, de lui avoir tracé une voie Royale....
    Pour ma part je voterais A. Montebourg
    Vive la Vrai gauche
    Socialiste Vigilant

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  5. MOI AUSSI,MONTEBOURG.
    LE SEUL SOCIALISTE QUI A DENONCE LES BARONS ET PARRAIN MAFFIEUX.

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  6. demain le "domenech" du rugby,alias lievremont,va nous amener à une troisieme défaite sur les 5 matches de qualification pour les quarts de finale.
    les memes defauts.
    suffisance
    imbu de sa personne
    humour à 2 balles
    irrespect de la presse
    rejet par les joueurs
    messages qui ne passent pas
    etc
    pourquoi les 2 plus grandes fédérations sportives de france désignent-elles toujours des pitres et des incompétents comme entraineurs.

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  7. demain le "domenech" du rugby,alias lievremont,va nous amener à une troisieme défaite sur les 5 matches de qualification pour les quarts de finale.
    les memes defauts.
    suffisance
    imbu de sa personne
    humour à 2 balles
    irrespect de la presse
    rejet par les joueurs
    messages qui ne passent pas
    etc
    pourquoi les 2 plus grandes fédérations sportives de france désignent-elles toujours des pitres et des incompétents comme entraineurs.

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  8. BERTRAND LOUCHART,ancien DGS de la CAHC et viré par CORBISEZ,n a pas été élu à la communauté urbaine d'ARRAS!!!!haa...ouiiiiiii...après la misère qu'il nous a fait à la CAHC!!! c 'est jouissif!!!

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  9. à 21 H 10,
    comme quoi tous les cons sont virés pour incompétence ,sauf à la ville d' hénin qui est devenu la poubelle de toutes les mairies de la 14 é.c'était inutile ,nous avions déja dépassé notre quota.un maitre- nageur qui cumule conneries sur conneries et qui est devenu maitre- de la mairie.
    à quand un maitre-chien à la sécurité et un maitre (metre)-étalon aux finances.
    décidemment ,les heninois sont maudits.après 8 ans du voleur dalongeville et ses complices,s'ajoute déja 3 ans d'incompétence,d'amateurisme,de mensonges,de manipulation de l'A.R..
    pour le F.N,ce n'est plus un fauteuil,c'est un sofa.
    G.B. leur a déja donner les clefs de la ville.mais cette fois ci ,contrairement à ce qui a été fait avec les bourgeois de calais.sa tete ne sera pas sauvée.

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  10. ALLEZ LES BLEUS (foot)
    ET MERCI AU GARDIEN !!!
    IL AURAIT LARGEMENT SA PLACE AU STADE HENINOIS.

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  11. à 21 H10
    En matière de mesure de connerie, une chose est certaine, c'est qu'ils sont tous devenus des mètres étalons de référence !

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