samedi 24 septembre 2011

Affaire Karachi : "L'audition de Nicolas Sarkozy serait logique"

Quelques questions/réponses du débat avec 2 journalistes du "Monde", vendredi 23 septembre 2011



Suedois : Pourquoi cette affaire met-elle autant de temps à remonter, et quelles pourraient être les conséquences pour Balladur ? 

Gérard Davet et Fabrice Lhomme : Elle met du temps à ressortir à la surface pour la bonne et simple raison que la justice n'a été saisie des faits révélés ces derniers mois que très tardivement. Quant à Edouard Balladur, il sera inévitablement convoqué par les juges, qui devront décider s'ils ont ou pas les éléments pour le mettre en examen.

Louise : L'affaire peut-elle être "étouffée" à peu près "légalement" ?

Il va être compliqué de museler le juge Renaud Van Ruymbeke. Il est sous le coup d'une procédure disciplinaire. Comme il le raconte dans notre livre Sarko m'a tuer [Stock, 19 euros, 364 pages], il assimile cela à une tentative de déstabilisation, mais cela ne l'arrêtera pas. En revanche, il travaille sous l'étroite surveillance du parquet de Paris, qui examine ses initiatives avec inquiétude. Mais comme il s'agit d'un juge indépendant, et fort heureusement, la réforme [la suppression du juge d'instruction] voulue par Nicolas Sarkozy n'a pas débouché, il est encore maître de ses actes.

Sasha : Pouvez-vous nous expliquer le principe du secret de l'instruction et comment il s'applique aux journalistes ? 

Le secret de l'instruction ne s'applique pas aux journalistes. Seules les parties à la procédure sont astreintes à ce secret. Cela signifie qu'elles ne peuvent communiquer à l'extérieur les avancées de l'enquête. Avec une notable exception : les parties civiles, avec l'accord du juge, ont le droit de prendre connaissance des pièces judiciaires. Enfin, le parquet est parfaitement habilité à s'exprimer sur tous les aspects d'une enquête.
 
He : J'ai lu que la justice n'avait pour l'instant pas de "preuves" dans cette affaire, est-ce vrai?

Il existe des preuves, bien évidemment. Par exemple, il est avéré, dorénavant, que les comptes de campagne de M. Balladur ont été maquillés. Les enquêteurs ont établi qu'une vingtaine de millions de francs avaient été versés sans justificatifs. Par ailleurs, il est avéré aussi, selon plusieurs documents, que les contrats Agosta et Sawari II (l'achat de frégates par l'Arabie saoudite) ont donné lieu à des versements de commissions illicites. En revanche, il sera très difficile d'établir un lien entre le financement de la campagne Balladur et le versement de ces commissions. Cela étant, le juge a lancé plusieurs commissions rogatoires afin de tracer le circuit de l'argent.

Guest (AA, incognito!) : Sarkozy était porte-parole de Balladur. Quel est le rôle d'un porte-parole ? Participe-t-il à l'organisation de la campagne ? 

Tous les porte-parole n'ont pas le même rôle. En l'occurrence, en 1995, Nicolas Sarkozy était beaucoup plus que le communicant du candidat Balladur. Il faisait partie du cercle restreint de ses conseillers les plus proches, et à ce titre, n'ignorait rien des dessous de la campagne.

Ender : Peut-on penser que, si Nicolas Sarkozy n'était pas président de la République, il aurait déjà été entendu ? 

Je ne suis pas certain qu'il aurait déjà été entendu. En revanche, son audition, au minimum en qualité de témoin, serait logique au vu du dossier. Il faut rappeler qu'en tant que ministre du budget, il a eu à connaître des deux contrats d'armement au cœur de l'enquête judiciaire.

Claire : Quels sont les enjeux de cette affaire ?

Ils sont multiples. Sur le plan judiciaire, parvenir à établir plus de quinze ans après les faits qu'une campagne électorale a été financée frauduleusement relève de la gageure. Sur le plan politique, il est certain que cette affaire va alimenter, voire polluer, la campagne présidentielle de 2012.

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