mercredi 3 août 2011

Le Sénat distribue un million d'euros d'indemnités cachées à ses «dignitaires»

 Mediapart 27 juillet 2007


Le Sénat ment par omission sur le salaire de ses membres. A lire son site internet, les 343 élus du Palais du Luxembourg ne toucheraient «que» 7.100 euros d'indemnité par mois. C'est faux. Au moins pour certains. Chaque mois, une quarantaine de sénateurs, pompeusement appelés «dignitaires», jouissent en effet de confortables rallonges. Jusqu'ici, seul le supplément accordé au Président était connu (7.270 euros mensuels); de même que le bonus offert aux trois questeurs (5.170 euros), depuis que Mediapart en a révélé le montant. En réalité, d'après des documents que Mediapart s'est procurés, le Sénat distribue au fil de l'année 1,15 million d'euros de compléments d'indemnité à une armée de «dignitaires» de tous bords, sans que le public en soit informé.
Après la polémique sur la prime versée fin juin aux sénateurs (que le Palais a finalement dû se résoudre à annuler), ces nouvelles révélations risquent de faire tache. Sollicité, le service Communication n'a pas souhaité nous répondre. Voici les chiffres, dans le détail:
•  8 vice-présidents du Sénat – 4 UMP (dont Jean-Pierre Raffarin), 2 PS (dont Catherine Tasca), 1 Union centriste, 1 communiste – touchent une rallonge de 2.080 euros par mois.
17 patrons de commission, présidents de groupe politique ou rapporteurs généraux voient leur feuille de paie gonflée de 2.080 euros par mois.
3 présidents de Délégation (dont celle aux Droits des femmes) bénéficient d'un supplément de 1.930 euros.
Le président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques récupère 890 euros par mois.
14 secrétaires du Sénat touchent 710 euros.
Enfin, Christian Poncelet, toujours vaillant sur les bancs UMP, jouit d'une indemnité complémentaire de 4.320 euros mensuels en tant qu'ancien président du Sénat. (Ce montant était connu des seuls initiés jusqu'au 21 juillet dernier, mais après que Mediapart a posé une question sur le sujet au service Communication du Palais, Gérard Larcher a choisi de le rendre public dans un entretien à France Soir, pour mieux annoncer qu'il y renoncerait, à titre personnel, le moment venu.)
En tout, 48 sièges, soit 14% de la chambre, sont dotés d'un complément d'indemnité – qui s'ajoute bien sûr aux enveloppes allouées à tous les parlementaires pour financer l'emploi de collaborateurs ou les dépenses liées à l'exercice du mandat. Les heureux bénéficiaires étant désignés par leurs pairs.
Nombre de ces fonctions de prestige (vice-présidents, secrétaires...) sont renouvelées tous les trois ans, ce qui permet à bien plus que 48 sénateurs de bénéficier d'une rallonge à un moment donné de leur mandat.

Des sommes en augmentation

Ces compléments de salaire sont-ils seulement légitimes? La casquette de «président de commission» est sans nulle doute associée à une foultitude de tâches particulières, et les vice-présidents du Sénat sont contraints de diriger à tour de rôle les séances dans l'hémicycle. En théorie, le «rapporteur général de la commission des Finances» cravache dur aussi – l'actuel occupant (l'UMP Philippe Marini) trouve malgré tout le temps de siéger aux conseils d'administration de multiples sociétés privées.
A l'inverse, le surplus de travail qui incombe à Michèle André (PS), la patronne de la Délégation aux droits des femmes (32 heures de réunion en 2009/10, 17 heures en 2008/09), justifie-t-il un bonus de 1.930 euros par mois? Quant aux 14 «secrétaires», issus de tous les groupes politiques, leur rôle se résume à siéger au bureau du Sénat, qui se réunit à peine une fois par mois... Parmi ces «petits» dignitaires, on retrouve d'ailleurs des parlementaires peu réputés pour leur assiduité ou leur force de travail, tels le socialiste Jean-Noël Guérini, qui compte une intervention unique cette année en séance publique (zéro en 2009/10, zéro en 2008/09), ou l'UMP Philippe Nachbar (2 interventions depuis octobre 2010).
Mais quel que soit le bien-fondé de ces gratifications, l'essentiel du problème est ailleurs: c'est l'opacité du système, organisée par l'institution elle-même. Ainsi le président du Sénat, Gérard Larcher, se contente-t-il de communiquer sur son complément d'indemnité – pour mieux se vanter de l'avoir diminué en 2009. Mais pourquoi le montant des autres rallonges est-il caché? Sans doute la maison, tous partis confondus, a-t-elle du mal à les assumer. D'après nos informations, ces scrupules ne l'ont pas empêchée, entre 2010 et 2011, d'augmenter d'environ 5% la masse budgétaire consacrée à ces «bonus» de dignitaires.



Boîte noire mise à jour le 28 juillet au soir : Au lendemain de nos révélations, le Sénat a réagi auprès de l'AFP, pour affirmer que ces bonus d'indemnités «ne sont pas secrets». «On ne fait pas tout figurer sur notre site internet, mais il suffit de s'adresser à nos services de la questure pour avoir ces informations», a commenté, sans rire, le Palais du Luxembourg. Il ne suffit évidemment pas de s'adresser au Sénat: Mediapart a posé des questions au service Communication, sans obtenir de réponse.
Cette réplique du Sénat est d'autant plus absurde que l'institution a refusé de confirmer à l'AFP les chiffres dévoilés par Mediapart, faisant la démonstration de son opacité. Si l'AFP a bien réussi à recouper nos informations, c'est par l'intermédiaire de «sources proches du dossier», anonymes, qui n'ont pas osé parler à découvert.
De fait, le montant de 1,15 million d'euros, de même que le détail des sommes distribuées chaque mois à une quarantaine de sénateurs, ne figurent dans aucun des documents budgétaires annuels accessibles aux citoyens: ni dans le rapport d'information sur «les comptes du Sénat» (publié par la Commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne au Palais du Luxembourg), ni dans la partie «Pouvoirs publics» (Elysée, Assemblée nationale, Sénat, Conseil constitutionnel) du projet de loi de finances.

Enfin, nous tenons à préciser ceci : le Sénat a beau avoir déposé plainte pour «vol» de documents et «abus de confiance» le 13 juillet dernier, dans l'objectif revendiqué d'identifier et d'intimider nos sources, nous continuerons notre travail d'investigation pour mettre au jour les secrets du Palais du Luxembourg. A quelques semaines des élections sénatoriales (programmées le 25 septembre), les grands électeurs ont plus que jamais le droit d'être informés sur la manière dont cette maison est gérée – de même que l'ensemble des citoyens. Malgré l'ouverture d'une enquête préliminaire par le parquet de Paris, qui autorise par exemple la fouille d'ordinateurs au Sénat, nous poursuivrons la publication de documents clés, jusqu'ici confidentiels mais d'intérêt public.
 

3 commentaires:

  1. Les privilèges furent abolis en 1789.
    non?
    treve de plaisanterie,tout ceci n'est
    qu'un secret de polichinelle qui dure
    hypocritement depuis la mise en place
    de toutes ces institutions dont la
    moitie ne sert qu'à gaver cette caste
    (gauche-droite)de vieux croulants
    inutiles.
    Comment voulez-vous croire encore à
    un semblant de démocratie.
    Et que penser de la grande et très
    utile assemblée constitutionnelle
    composée par tout le rebut de la
    sphère politicienne française?

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  2. Pouvez-vous estimer ce que perçoivent nos cumulards socialistes: Président de la région 59/62 et Sénateur, Député et président de Conseil Général: candidat à la présidence, A. Montebourg, Député( A.F.)et ex-Président d'agglo+ retraité de l'Education Nationale+ex conseiller général+ ex maire... pendant de nombreuses années de cumul...
    Pourquoi mme Lienemann, elle aussi une cumularde connue et reconnue (ex: 1ère Adjointe à Hénin-Beaumont, Vice-Présidente de région 59/62 et Députée européenne...qui de plus courait de tribune en tribune, sic le grand président de région)n'a-t-elle pas mieux respecté les citoyens d'Hénin-Beaumont qui espéraient, comme vous d'ailleurs(cf votre courrier)?
    Pourquoi notre région est-elle si mal en point, tant au niveau des infrastructures, que de l'économie, de la santé, du taux de réussite aux diplômes de haut niveau (Master / Doctorat) ou du seuil de pauvreté...
    Une explication: les cumulards qui depuis des années ne pensent qu'à leurs intérêts personnels et non à l'intérêt général!
    Est-ce bien le respect de l'idéal socialiste tout cela?
    ALORS, à tous les électeurs du Nord et du Pas-de-Calais, VIREZ TOUS LES CUMULARDS!
    En attendant, s'ils respectaient leur électorat, ils offriraient leurs indemnités de fonctions aux plus démunis via les associations caritatives, cela les crédibiliserait davantage!

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  3. Et oui ... Et pendant ce temps, un certain nombre de députés, de droite comme de gauche, sont épinglés pour leur "trop grande discrétion" aux travaux de l'Assemblée Nationale .....

    LB

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