jeudi 27 février 2014

Faut-il se réjouir de l'attention portée à Hénin-Beaumont par les médias ?

J'ai déjà parlé ici du livre d'Octave Nitkowski. L'article du Monde, ci-dessous, y fait référence, mais c'est surtout sur celui de Haydée Sabéran que je voudrais mettre ici l'accent. 

Cela fait longtemps que je connais la correspondante de Libération dans la région et il faut dire qu'elle ne passe pas inaperçue : simplicité, attention scrupuleuse, volonté d'aller au fond des choses marquent ses interlocuteurs. Beaucoup d'Héninois l'ont rencontrée, ces derniers mois, tant elle voulait aller au-devant des gens pour comprendre ce qui se passait à Hénin-Beaumont. Jamais l'expression, à la mode chez les Politiques, d'"aller sur le terrain" ne s'est autant justifiée que dans la démarche d'Haydée Sabéran. Vélo et sac à dos, logeant chez l'habitant, fréquentant fêtes et bistrots, elle s'est immergée dans la vie héninoise. Et son livre en est bien l'expression... Beaucoup d'histoires personnelles dans les méandres de la vie politique héninoise permettent de comprendre le drame qui se joue aujourd'hui. 

A tous les journalistes qui vont venir arpenter les rues et cafés de la ville, dans les jours qui viennent, un conseil : gagnez du temps en lisant "Bienvenue à Hénin- Beaumont. Reportage sur un laboratoire du Front national", d'Haydée Sabéran.


 

Pour le Front national, Hénin-Beaumont est un « laboratoire »

LE MONDE DES LIVRES |
 
Il y a Hénin et Beaumont. Sans doute faut-il être de là-bas, comme Octave Nitkowski, qui signe Le Front national des villes & le Front national des champs, pour savoir que son plus important réservoir de voix, le FN l'a trouvé à Beaumont, la moitié la plus rurale (presque 63 % au second tour des législatives de 2012). Ou alors, il faut s'y être perdu plus d'une fois, comme la journaliste Haydée Sabéran, correspondante de Libération dans le Nord - Pas-de-Calais, qui fait part, au beau milieu de son passionnant récit, « Bienvenue à Hénin-Beaumont », de son désarroi devant la disparition des noms historiques des quartiers au profit de zones répertoriées comme « Sud », « Nord-Ouest », « Est »…
Hénin-Beaumont, cette municipalité du Pas-de-Calais de 27 000 habitants, que le candidat du Front national, Steeve Briois, déjà conseiller municipal, est en mesure de conquérir aux élections du mois prochain, se révèle, à l'usage, une « ville pour initiés », où il faut demander son chemin. Impossible, sinon, de trouver ces sites architecturaux que sont la « cité Darcy » ou la « cité Foch », exemples hors du commun d'habitat minier. Il n'y a pas traces, dans le mobilier urbain, de cette géographie qui fut aussi une histoire très forte, celle des mines, de la classe ouvrière, de la SFIO (l'ancêtre du PS), celle des grèves de 1941 et de la Résistance. Le centre-ville d'Hénin-Beaumont ? Il s'est paupérisé : les belles maisons, divisées en appartements, parfois insalubres, sont le signe d'une « splendeur passée », écrit Sabéran.
De la honte, comme le laisse penser cet effacement ? De la nostalgie ? Il est malaisé de mesurer le legs de cette forte histoire politique, maintenant que les usines ont fermé, et que la désespérance sociale est à son comble… En 2009, lors d'élections municipales anticipées qu'avait provoquées la révocation du maire socialiste, Gérard Dalongeville, mis en examen notamment pour détournement de fonds publics et favoritisme, le Front national avait obtenu plus de 47 % des voix. Le succès aujourd'hui est certain, clame Marine Le Pen.
LA GÈNE ET LE MALAISE
Plus que la nostalgie ou la honte, c'est la gêne le premier sentiment qui sourd des pages d'Haydée Sabéran. Celle qu'éprouvent les habitants d'Hénin-Beaumont à vivre sous la loupe des commentateurs politiques, sans cesse auscultés. Le malaise, aussi, ressenti du côté des électeurs FN. C'est le précieux enseignement du reportage. Allant à la rencontre des habitants, la journaliste saisit bel et bien une forme d'embarras – quelque chose de plus subtil que ne le laisse penser le terme de « dédiabolisation ». Hors de la permanence du FN, les aveux sont en effet rares. Si, comme le constate un Héninois rencontré au kebab du coin, « les racistes osent s'exprimer, à cause de Marine Le Pen », peu nombreux encore sont ceux qui crient haut et fort leur choix devant l'urne. A la cité Darcy, Farid est sûr qu'il a des amis qui votent FN et n'osent pas le dire. Tel autre ne cache pas son vote même si, au fond, il est sûr que les élus FN se révéleront des « pourris » comme les autres. C'est ce qui frappe le plus dans ce qu'Haydée Sabéran donne à voir et à entendre : à l'exception des militants, nulle trace de foi aveugle ou d'embrigadement. Alors ces scores sont-ils tout simplement la prime à ceux qui n'ont jamais eu le pouvoir, comme l'analyse Mohammed, fils de mineur ? « C'est un vote par défaut, pour l'instant », avance l'auteure. Volatil, de surcroît.
Steeve Briois lui-même ne fanfaronne pas ; pas question pour lui de surjouer le candidat de l'extrême. Le sigle de son parti est apposé sur ses tracts avec discrétion : le plus fréquemment, seule la flamme stylisée y figure. Dans ses courriers, Steeve Briois se présente comme « conseiller régional » et « conseiller municipal d'Hénin-Beaumont ». Dès lors, difficile, selon Haydée Sabéran, de conclure au vote d'adhésion. Un « attachement aux personnes » serait plus juste. Il faut dire que Steeve Briois y met du sien : repas, thé dansant, fêtes d'école, pas une réjouissance collective à laquelle il ne participe. « On est proche des gens, dit-il, comme la gauche avant, quand elle était encore le parti de Jaurès. »
A la mort de Pierre Mauroy, en juin 2013, il s'était d'ailleurs distingué en rendant hommage à cet « authentique homme de gauche dont la conscience sociale n'a jamais été feinte ». La marque d'une stratégie élaborée en hauts lieux, et qui se donne à entendre dans les accents étatistes de Marine Le Pen. A Hénin-Beaumont, « il arrive que le FN s'approprie jusqu'à la lutte des classes », note Haydée Sabéran. Où, mieux que dans le bassin minier, à quelques encablures du lieu de naissance de Maurice Thorez, le FN peut-il prouver sa capacité à pénétrer les milieux ouvriers ? Preuve de sa puissance à capter les voix de gauche, Marine Le Pen voit aussi Hénin-Beaumont comme un endroit où montrer une capacité à gouverner localement : ne plus être ramenée, comme elle le dit, « à la gestion de Jean-Marie Le Chevallier à Toulon, il y a vingt-cinq ans ». Double enjeu, donc, symbolique et pratique.
PAS TOTALEMENT ANODIN
Dès lors, Hénin-Beaumont est-il la démonstration que le « gaucho-lepénisme », phénomène analysé par le politologue Pascal Perrineau comme le passage au vote frontiste d'électeurs appartenant aux couches populaires, longtemps arrimés à la gauche, existe-t-il bel et bien ? A la cité Darcy, le FN est majoritaire dans chacun des trois bureaux de vote, là où le PCF fut des années durant hégémonique. Mais l'auteure reste prudente. Aux yeux d'Octave Nitkowski, en revanche, né à Hénin-Beaumont, auteur du blog « A l'ombre des terrils » et encore étudiant à Sciences Po, c'est bien la classe ouvrière qui se tourne vers l'extrême droite : « La tristesse ouvrière se guérit à travers le vote pour le Front national. » Son ouvrage ne propose pas une sociologie des comportements électoraux, mais déploie classiquement une analyse politique des stratégies mises en oeuvre par le FN. Face à un « déclin du vote de classe » et à « un nouvel électeur en perte de repères », Marine Le Pen a toutes les chances, pense-t-il, de donner naissance à « une véritable droite prolétarienne » et même de se trouver au second tour de l'élection présidentielle de 2017.
Pas de pari de cette nature chez Haydée Sabéran. Elle préfère écouter, observer, et constater que le vote FN n'est pas, à Hénin-Beaumont, devenu, comme on le prétend parfois, totalement anodin. A l'autre bord de l'échiquier politique, les partis de gauche, au bilan calamiteux, sont trop occupés à résoudre leurs conflits internes pour se mobiliser. Après le retrait d'un candidat divers gauche, il reste quatre listes de ce bord en lice face au FN : ce seul chiffre permet de mesurer le poids du contexte local dans la singularité héninoise.
Alors que la Fondation Jean-Jaurès crée, ce mois de février 2014, l'Observatoire des radicalités politiques (ORAP), afin de dessiner « une cartographie dynamique de la mouvance extrême droitière », le livre d'Haydée Sabéran rappelle l'intérêt d'une pluralité d'approches et la richesse d'un journalisme de terrain. Aujourd'hui, il est probable qu'elle ne se perde plus dans les rues d'HéninBeaumont.


Bienvenue à Hénin- Beaumont. Reportage sur un laboratoire du Front national, d'Haydée Sabéran, La Découverte, «Cahiers libres», 182 p., 15 euros.
Le Front national des villes &le Front national des champs. La France perd le Nord: tomeI, d'Octave Nitkowski, Jacob-Duvernet, 184 p., 17,90 euros.

18 commentaires:

  1. Comparer Nitko aux médias, c'est un peu comme comparer un sandwich SNCF à un plateau de fruits de mer servi chez Monsieur l'ambassadeur. Merci, j'ai bien ri.

    RépondreSupprimer
  2. plus que 24 jours à supporter les bouffons incompétents de l'A.R.
    enfin !!!!!
    vite la liste, pour un fou-rire collectif des électeurs.cette liste est-elle complète et terminée.il y a 48 heures ,ils acceptaient encore une triste, ( de la nouvelle équipe ) de ferrari,non testée sur le terrain.bonjour les dégâts....

    RépondreSupprimer
  3. Alors Alain , la plus grosse perle de la campagne c'est la volte face du combattant de l'intérieur du temps de Dalongeville: NOEL rejoint le père Binaisse sans le front de gauche
    avec ses amis du PC pour faire le complément de la liste. Lui c'est le juda héninois, ses amis cégétistes territoriaux vont être enchantés. Le sondage de la sofrès non paru donnait Binaisse entre 6% et 8%, là je pense qu'il va voisinait les 5% et sera derrière la liste commune MRC, FRONT DE GAUCHE. Mais quel médiocrité ce david, elle est belle la politique avec des personnages ainsi.

    RépondreSupprimer
  4. dernière minute voix du nord : http://www.lavoixdunord.fr/region/henin-beaumont-david-noel-et-le-pcf-se-rallieraient-a-ia34b0n1951627 David Noël se rallieraient à Eugène Binaisse

    RépondreSupprimer
  5. Sur le site de la Voix du Nord et dans le journal de demain. Sacré David !
    http://www.lavoixdunord.fr/region/henin-beaumont-david-noel-et-le-pcf-se-rallieraient-a-ia34b0n1951627

    RépondreSupprimer
  6. Pour revenir à la politique héninoise : que dire du ralliement du PC et en l'occurrence de David Noël à la liste d'Eugène Binaisse ? Il s'est permis de critiquer la gestion actuelle, de gesticuler dans tous les sens et aujourd'hui il retourne sa veste pour soi disant sauver cette ville de la menace du FN ? Ne serait-il pas trop tard ? Et où sont les vrais valeurs de gauche ? L'union fait la force pour Hénin je n'en suis pas sûr. Plus on avance, plus je me rends compte que chacun essaie de tirer la situation à son avantage. Pauvre Hénin-Beaumont !

    RépondreSupprimer
  7. et c'est encore RAMERY qui a gagné le chantier de l'usine d'incinération!! BRAVO


    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce commentaire provenait d'un Anonyme que j'avais annulé par erreur...
      Il en est de même des commentaires suivants.

      Supprimer
  8. 16H17 du FN n' a pas apprécié que le jeune Octave évoque l'homosexualité de Briois dans un cadre de pure information publique, ce qu'a confirmé la Justice!

    RépondreSupprimer
  9. Surement pas à Binaisse

    RépondreSupprimer
  10. on ne l invente pas l'existence des parachutés fn http://fnparis.blogspot.fr/2011/01/des-chiffres-et-des-hommes.html

    RépondreSupprimer
  11. Moins de listes c est moins de dispersion des voix a gauche. Une chance d éviter l élection du fn.

    RépondreSupprimer
  12. David Noël qui rejoint la ménagerie de binaisse,qu'il avait tant critiqué,c'est la C.G.T. Des communaux qui va être contente.cela s'appelle ,en politique,une double trahison.felicitations,mr Noël.
    Mais je suppute que vous n'avez pas fait cela sans l'accord du P.C.
    Je suis prêt à parier que vous ne rassemblerez pas toutes les voix des communistes qui haïssent binaisse.bonne chance et bon courage ,vous êtes sur l'autoroute de la défaite.ne reste plus que Legrand pour vous rejoindre pour la lutte finale!!!

    RépondreSupprimer
  13. Trahir ses électeurs pour un strapontin,mr David votre carrière politique heninoise est terminé,car vous ferez moins de 10% et serait absent du deuxième tour.s'accoquiner avec un homme de droite -modem,vous devenez fou ou vous péter les plombs.

    RépondreSupprimer
  14. A 5 jours du depot des listes, Noel abandonne ses camarades du Parti de Gauche pour un poste ! Un grand monsieur! Aucune conviction aucune valeur! Ce n'est pas à 3semaines du vote qu'on decouvre le risque FN ! Ca fait 4ans qu'il dénonce la gestion Binaisse pour aller se coucher dans la dernière ligne droite! Chapeau le traitre!

    RépondreSupprimer
  15. NOEL qui critique le Gouvernement tous les jours rejoint les amis PS ! allez Valls allez les Verts et vive David Noel l'ami des girouettes !

    RépondreSupprimer
  16. Franchement la politique m'écœure de plus en plus , ne pouvant terminer leur liste , les candidats cherche par tous les moyens à avoir une place , il n'y a vraiment plus le moindre soupçon d'amour propre . Aujourd'hui David NOEL rejoint Eugéne BINAISSE , demain sans aucun doute aussi Jean-Marc LEGRAND , que pouvons nous espérer de ces ralliements hétérogènes d'hommes qui hier encore s'entretuaient ?

    RépondreSupprimer