samedi 24 décembre 2016

Toujours Christine Lagarde...

Les éclaircissements donnés ci-dessous sont de nature à expliquer l'émotion et les incompréhensions de la décision de de la Cour de Justice de la République. Je mettrai en relief 3 raisons primordiales de ce fiasco judiciaire : 
- La CJR aurait dû être supprimée comme l'avait promis le candidat Hollande en 2012.
- La dispense de peine prononcée par la Cour a... dispensé le FMI 
de toute sanction contre sa directrice de l'arbitrage 
- Tant qu'on n'aura pas dénoncé le véritable responsable de l'arbitrage truqué, le sentiment d'injustice prévaudra

Procès Lagarde : chronique d’un désastre annoncé
Les parlementaires de la Cour de justice de la République doivent assumer la responsabilité d’une décision qui ne pouvait être qu’incompréhensible.
LE MONDE | 23.12.2016(107
Ainsi donc, il faudrait rejuger Christine Lagarde. La preuve, une pétition dont le site Change.org annonce avec fierté qu’elle serait « l’une des plus virales depuis 2012 » demandant un « vrai procès » pour la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), aurait recueilli en quelques jours plus de 165 000 signatures.
Plusieurs grands médias nationaux, sans doute terrorisés à l’idée de passer à côté de l’expression d’un phénomène de société, s’en sont fait l’écho, sans prendre la peine d’expliquer en quoi cette demande n’a pas de sens.
Christine Lagarde, n’en déplaise aux pétitionnaires, a été jugée et ne peut pas l’être à nouveau. D’abord parce que les décisions de la Cour de justice de la République (CJR) ne sont pas susceptibles d’appel, mais seulement d’un recours en cassation. Ensuite parce qu’un principe souverain, ayant valeur constitutionnelle, dispose que nul ne peut être jugé deux fois pour les mêmes faits devant des juridictions différentes, a fortiori lorsqu’une condamnation a été prononcée et qu’elle est devenue définitive. Cela s’appelle le droit, seule garantie contre l’arbitraire, et c’est un peu plus compliqué que la colère.

Une initiative parlementaire
Rappelons d’abord quelques faits : Christine Lagarde était ministre de l’économie et des finances lorsqu’elle a eu à se prononcer sur le choix de l’arbitrage dans l’affaire Tapie. La loi prévoit que lorsqu’ils sont poursuivis pour des faits commis dans l’exercice de leurs fonctions, les ministres comparaissent devant une juridiction spéciale, la CJR, composée de trois juges professionnels et de douze parlementaires.
Cette Cour, dont la suppression avait été promise par le candidat François Hollande, a survécu à son quinquennat présidentiel. Aussi sûrement qu’un et un font deux, Christine Lagarde, ès qualités d’ancien ministre, ne pouvait donc comparaître que devant elle.

Christine Lagarde doit son renvoi à l’initiative du groupe socialiste de l’Assemblée nationale qui a exercé – pour la première fois dans l’histoire de la Ve République – son droit de saisir le procureur général près la Cour de cassation, à l’époque Jean-Louis Nadal. Celui-ci a ensuite saisi la commission d’instruction de la CJR qui, comme l’indique son titre, a mené une instruction.
Parallèlement, et en raison des fortes suspicions de fraude ayant rendu possible cet arbitrage, une procédure de droit commun a été ouverte contre six autres personnes – dont Bernard Tapie, l’avocat de ce dernier Maurice Lantourne, l’ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde Stéphane Richard, l’un des trois juges arbitres, l’ancien magistrat Pierre Estoup -, et confiée à un juge d’instruction. La procédure ouverte pour « escroquerie en bande organisée », « détournement de fonds publics » ou complicité de ce délit, est toujours en cours.
Trois obstacles fondamentaux
A l’origine, en août 2011, la commission d’instruction a envisagé la mise en examen de Christine Lagarde pour « complicité de détournement de fonds publics. » Mais elle a constaté que cette accusation ne tenait pas, rien dans le dossier n’établissant que l’ancienne ministre de l’économie et des finances avait voulu s’associer « intentionnellement » à un détournement de fonds publics, via une fraude à l’arbitrage. Exit donc ce délit.
La commission d’instruction s’est alors rabattue sur un autre grief, totalement inusité, celui de « négligence ayant permis un détournement de fonds publics commis par un particulier. » On est donc passé, pour Christine Lagarde, d’un délit intentionnel à un délit non intentionnel. Et c’est bien là qu’il faut chercher l’origine du désastre annoncé du procès qui s’est tenu du 12 au 19 décembre devant la CJR.
Les juges de la commission d’instruction ne pouvaient ignorer les trois obstacles fondamentaux qu’un procès sous ce seul grief allait rencontrer : le choix d’un délit mineur, punissable au maximum d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, illisible pour l’opinion publique face à une affaire qui suscite légitimement son indignation ; une comparution de Christine Lagarde, seule et en premier, dans un dossier dont elle n’est qu’une actrice périphérique et qui rendait de facto impossible une véritable confrontation avec les autres personnes toujours mises en examen et à ce titre légitimes – le droit toujours – à faire valoir leur droit au silence et le respect de leur présomption d’innocence. Le tout, devant une Cour entachée elle-même de suspicion par sa composition et par les menaces réitérées qui pèsent sur son existence.

Ultime paradoxe
C’est donc en toute connaissance de cause qu’ils ont transmis à la CJR ce qui ne peut être qualifié autrement que de « bâton merdeux » – pardon pour la grossièreté –, à charge pour les parlementaires, majoritaires dans sa composition, de s’en débrouiller face à l’opinion et d’assumer la responsabilité d’une décision qui ne pouvait être qu’incompréhensible.
Rien n’était en effet susceptible de satisfaire le besoin de justice dans ce dossier, en raison du grief reproché à Christine Lagarde. La CJR a choisi la décision la plus difficile à justifier : une condamnation avec dispense de peine. Elle produit le même effet qu’une relaxe, l’opinion ne retenant que la dispense de peine.
Même s’il est de bon ton de railler la position exprimée par l’avocat général Jean-Claude Marin, qui a soutenu dès l’instruction un non-lieu en faveur de Christine Lagarde et a requis en cohérence sa relaxe à l’audience, celle-ci avait le mérite de pointer la difficulté majeure à laquelle la CJR allait être confrontée.
« Soit on peut reprocher à Christine Lagarde une complicité de détournement de fonds publics, soit on ne peut pas et alors on ne lui reproche rien du tout », avait-il souligné, pour justifier son hostilité à cet entre-deux inintelligible de la « négligence » retenue par les juges.
L’ultime paradoxe de cette affaire mal engagée depuis son origine aura été d’entendre un magistrat, Jean-Claude Marin, rappeler à des juges politiques la « frêle limite » entre ce qui relève du droit pénal et ce qui relève de l’appréciation d’une mauvaise décision ministérielle, dont la seule sanction légitime en démocratie ne se joue pas dans un tribunal ou devant une Cour mais dans les urnes.

Pascale Robert-Diard 

1 commentaire:

  1. La caste dominante peut dormir tranquille. La justice, c'est pour les pauvres. Et pendant ce temps là, ça gronde. Prévisions pour 2017, fn au second tour. Ils peuvent être fiers les socialos!

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